03 février 2010

Le cinéma nous ment !

Ce n’est pas nouveau : depuis les frères Lumière, le cinématographe a eu autant pour vertu d’être capable de nous distraire, que de nous farcir ce qui nous sert de boîte à idées de clichés et de raccourcis imbéciles. Concrètement, le cinéma, s’il est pris comme média de détente, reste globalement intéressant et agréable, mais s’il est un tant soit peu disséqué par un œil exercé, il devient alors totalement risible, voire scandaleux. Que ce soit pour des questions de coût, de scénario, ou encore de spectacle, l’image colle plus à un monde fantasmé qu’à un monde réel, terriblement plat et peu spectaculaire. Hé oui, chers amateurs d’action, de duels endiablés, la pellicule a le don de déformer, à sa guise, les règles élémentaires de physique !

Les exemples pullulent, et certains sont amusants, d’autres plus problématiques. Prenons par exemple un cas exemplaire : les armes. Dans l’immense majorité des films, quelqu’un de touché par une balle vole, est éjecté avec une cabriole digne d’un Bambi sous amphétamines. Or, ramenons cela à de la physique élémentaire : l’énergie que peut transmettre une balle à un corps est « ridiculement » faible, notamment par rapport à la masse de la cible ; Dans les faits, cela voudrait dire qu’un plomb de quelques grammes pourrait pousser un corps pesant plusieurs dizaines de kilogrammes. Impossible, d’autant plus que la dite balle compte plus sur la perforation (donc la blessure, la mutilation) que sur l’impact lui-même. Bon, évidemment, une balle qui passe à travers, ça n’a rien de si impressionnant que cela, tout au plus peut-on compter sur une jolie gerbe de sang pour le côté « sale » de la scène. Alors, non, un homme n’est pas propulsé à dix mètres par une balle, surtout si elle sort d’un petit calibre comme une arme de poing.
D’autres exemples sont aussi signifiants avec les armes : si l’on compte le nombre de balles tirées pendant un duel, on en viendrait à plusieurs centaines de munitions tirées en peu de temps, donc autant de poids de douilles, de poudre, et de projectiles, sans compter les conteneurs (chargeurs en majorité). Et où il les trimballe, ses bastos, notre héros ? Dans une mallette à roulettes ? Pas du tout ! Sur lui ! Hé ben, je n’aimerais pas être celui qui se charge de l’intendance de ce genre de gars… Et puis, autre détail amusant : une arme se base sur la réaction produite par l’embrasement, puis l’explosion de la poudre. Qui dit explosion dit chaleur. Alors comment se fait-il que leurs armes ne fument que très rarement ? Et qu’ils tiennent en main la dite arme, la tendent par le canon (sic) sans se brûler ? Chapeau, vive les hommes, les vrais, ceux dont la peau est tannée à jamais !

D’autres bricoles allant à l’encontre des sciences apparaissent : les films de science fiction ne sont pas avares de bruits de laser, de bourdonnements sourds pour les moteurs, ceci dans l’espace. Qu’est-ce que l’espace ? Vide d’air ! Donc, pas de son ! Ah oui, je rappelle aux incompétents notoires en physique que le son se disperse grâce à l’atmosphère. Un son, c’est une onde qui fait « vibrer » l’air, et c’est cette vibration que l’on entend. C’est d’ailleurs pour cela que sa vitesse est très lente, contrairement à la lumière qui ne se « heurte » pas complètement à l’atmosphère. Un bruit de laser alors ? Le laser ne fait aucun bruit, même dans l’air ambiant, tout au plus un crépitement s’il échauffe des particules imprévues (poussière en suspension par exemple). Mais passons outre ce point, puisqu’il faut du spectaculaire ! Ce serait tout de même assez peu engageant de se regarder Star Wars avec un grand silence à chaque canonnade…
En parlant de laser encore, je suis souvent écroulé de rire à l’idée qu’un homme puisse d’une part voir le faisceau en question (donc nous, spectateurs), et d’autre part que le tir soit si « court ». En toute théorie, le laser n’est pas nécessairement sur une fréquence lumineuse perceptible par l’œil humain. Prenez par exemple les lasers utilisés dans les systèmes d’alarme, ou dans les dispositifs de sécurité des ascenseurs. Vous voyez un trait rouge, ou bleu ? Pas vraiment, pourtant, le laser est bel et bien présent. Donc, cela voudrait dire que notre concepteur a pris soin de rendre le laser bien visible pour que cela en jette ! Pour l’aspect promptitude, imaginons une expérience simple : prenez une pointe chauffée au rouge, et appliquez la sur un textile, quel qu’il soit. Combien de temps faut-il avant que le dit tissu prenne feu ? Est-ce instantané ? Pas vraiment. Donc, le laser, pour qu’il puisse envisager de traverser les textiles pour toucher notre cher « héros », se doit de dégager une énergie exceptionnelle, et ciblée, pas juste une microseconde qui lui coûte une belle blessure. Enfin bon… je suis d’un chiant…

Enfin, il y a la chose qui m’horripile le plus : l’erreur historique notoire. Autant je peux tolérer les aberrations précédentes pour le spectacle, autant je suis intolérant avec les erreurs concrètes qui viennent détruire les derniers restes de crédibilité d’un film déjà bien mis à mal : armes d’une mauvaise époque, véhicules archaïques ou trop récents, uniformes tout aussi faux, sans compter les discussions portant sur des évènements postérieurs à la période envisagée dans le scénario. Ainsi, quel ridicule de voir un hélicoptère intervenir dans un film sur la seconde guerre mondiale (déjà vu !), de voir une voiture dont le modèle est visiblement postérieur à la période (grande spécialité française, avec l’usage de modèles de traction avant des années 50 dans les films supposés se passer pendant l’occupation), ou encore les costumes des films basés sur la légende du roi Arthur (qui a vécu au Vème siècle) et qui sont approximativement datés du XVème ou XVIème siècle. De quoi vous gratter le crâne, et vous dire « Ils nous prennent pour des idiots incultes ou quoi ? ». C’est le cas : le cinéma a essentiellement pour but de divertir, quitte à prendre des raccourcis imbéciles. J’ai quelques mauvais souvenirs de films de guerre « sérieux », qui parlent de batailles connues, et où le tout est gâché par des erreurs de casting : chars allemands campés par leurs équivalents américains (un char Sherman est plus facile à trouver et à louer qu’un char Tigre de la même époque), avions « modernes » maquillés en chasseurs et j’en passe.

Ne soyons pas trop critiques tout de même : malgré la profusion de ces bêtises, je pense tout de même qu’il faut garder son âme d’enfant face à la pellicule, juste parce qu’il faut savoir absorber une vision différente. Charge à l’imaginaire de corriger les anomalies, et ainsi pardonner la production qui, souvent, fera avec les moyens du bord. Quoique : Cameron a mis le paquet dans son Titanic, et cela n’empêche pas, pour moi, de maudire ce film à gros budget pour son aspect niais et dégoulinant de romantisme Harlequin…

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