25 février 2010

Gaston!

Je voudrais rendre hommage à ce personnage bien connu des mordus de la bande dessinée, l’inusable Gaston Lagaffe, l’éternel pauvre type en pull vert à l’allure si inimitable. Autant nous pouvons dire que les héros aux pouvoirs improbables n’existent pas, autant Gaston peut être croisé, et ce au quotidien, dans votre entourage. Vous pensez que j’exagère, que je caricature ? Pourtant, Franquin ne s’est pas seulement appuyé sur son sens de l’humour, il s’est aussi (à mon avis) inspiré de ce que peuvent être les employés de toute entreprise : des phénomènes à l’imagination débordante !

Entre instruments de musique aussi dangereux qu’insupportables, Gaston est un mélomane ! Son entourage maudit ses excès au trombone, sa tendance à tester de nouvelles expériences sonores, et, il faut le reconnaître, le tout avec une nonchalance enviable par tout Anglais au flegme pourtant légendaire. Vous n’avez donc personne que vous côtoyez qui confond musique et « boucan » ? Vous n’avez donc pas un seul adulte aux goûts musicaux aussi douteux qu’un hamburger oublié pendant plus d’un mois dans un caniveau sordide ? Pour ma part, j’ai eu la pénible expérience de découvrir que mes tympans pouvaient me supplier d’encombrer l’embouchure de mon conduit auditif pour cesser le supplice. Ah, ces fanatiques de braillards au chant agressif et à la musique indigente ! Ah, ces accrocs aux morceaux à la mode sitôt entendus, sitôt effacés de ma mémoire ! Gaston, lui, a cet avantage de proposer ses expériences avec candeur, et il lui arrive même d’être « potables » (selon ses propres critères s’entend)… Pauvres oreilles !

Qui n’a pas côtoyé l’expérimentateur, le bidouilleur fou qui s’essaye à tout et surtout à n’importe quoi, parce que c’est quelqu’un de curieux ? Adorable au demeurant, le laborantin de pacotille s’adonne sans compter à ses essais, trifouillant livres et recettes pour tenter de mettre au point « le nouveau carburant », ou bien « une peinture qui ne sent pas mauvais ». Pourtant, sous des dehors sympathiques, on ne peut que le détester, cordialement certes, mais le haïr même pour les résultats obtenus : mobilier bousillé, taches sur la moquette, odeur persistance mêlant solvants toxiques et plastique brûlé, tout est bon pour vous rendre dingue. Et là, c’est l’aspect chimique, parce que le Gaston, lui, est un touche à tout ! Tout y passe : la mécanique avec une voiture aussi effrayante que dangereuse et polluante, l’électricité (provoquant coupures et crises de nerfs en pagaille), ainsi que divers autres domaines aussi variés que la botanique (ses inénarrables aventures avec une collection de cactées), l’archivage (transformant toute chose rangée en capharnaüm), ou encore le sport (avec le lancer de ventouse à déboucher les éviers sur les murs, les portes, et donc aussi en travers de la tronche de son patron…). Bref : fuyez le, fuyez Gaston, c’est une menace permanente pour votre santé physique et mentale.

Pourtant, on n’arrive pas à le haïr suffisamment pour le sortir de nos existences. Sympathique, souriant, serviable, c’est quelqu’un qu’on aimerait avoir pour ami tant sa vie est remplie d’incidents cocasses. Il ne sera pas dit ici que Gaston est quelqu’un de méchant ! Maladroit, fainéant, tournant toute chose en ridicule, mais jamais avec un mauvais esprit propre à nos contemporains. Gaston se contente d’exister, de végéter, riant de tout, se moquant de lui-même (en créant, par exemple, un double de lui en latex), et donc de rendre la vie des autres moins morose. Bien sûr, il tue la productivité, provoque des catastrophes dignes des pires tsunamis, et pourtant, on ne le blâmera que le temps d’une saine colère. Après tout, il faut bien que quelqu’un se tromper pour qu’on puisse justifier d’une hiérarchie, non ?

Si Gaston est un fainéant chronique, c’est peut-être et surtout parce qu’il est un humaniste. Il plaide pour l’entraide, le repos, l’absence de stress… La productivité ? C’est hors du vocabulaire d’un tel personnage, à tel point que lui en parler est une impossibilité physique. Ses proches, ses chefs même ont abandonné l’idée, à moins de vouloir le tourmenter… pour de rire !

Merci à toi Gaston !

1 commentaire:

Eathanor a dit…

Gaston est l'archétype de l'anti-héros. A travers ses actes de gosse mal fagoté, il symbolise ce que nous souhaiterions tous pouvoir parfois réaliser tout en le gardant dans la sphère du fantasme inassouvi. Car oui, qui n'a jamais rêvé de faire des courses de fauteuil à roulette dans le couloir de sa société ? Quel employé ne rêve pas de mettre en pétard le Aimé de Mesmaeker de son entreprise ?