11 janvier 2010

Camerone

Dans ma série « Je trouve que les gens de convictions sont les vrais héros », j’ai, au gré de mes lectures, revus des informations sur la bataille de Camerone. Pour celles et ceux qui ignorent cette référence, Camerone est une bataille qui s’est déroulée au Mexique le 30 Avril 1863, entre l’armée mexicaine et l’armée française. La date et le lieu semblent lointains, cela semble même être une référence obscure de l’histoire de la légion étrangère, or je la trouve tout particulièrement fascinante à plus d’un titre.

Tout d’abord, plantons rapidement le décor : une hacienda, tenue par 65 légionnaires, est assaillie par l’armée mexicaine forte de 1200 fantassins et 800 cavaliers. En une seule journée, plus de la moitié des légionnaires furent décimés, et les cinq derniers valides, à court de munitions, donnèrent la dernière charge, baïonnette au fusil. Pendant la bataille, le colonel Cambas, chef des forces mexicaines, réitéra à plusieurs reprises une offre de reddition, que les légionnaires repoussèrent d’un « nous avons des cartouches et nous ne nous rendrons pas ! ». A la fin de la journée, la réponse à l’offre de reddition fut acceptée, mais avec des conditions pour le moins surprenantes : « Nous nous rendrons si vous nous faites la promesse la plus formelle de relever et de soigner notre sous-lieutenant et tous nos camarades atteints, comme lui, de blessures ; si vous nous promettez de nous laisser notre fourniment et nos armes. Enfin, nous nous rendrons, si vous vous engagez à dire à qui voudra l'entendre que, jusqu'au bout, nous avons fait notre devoir. »

Ce à quoi le colonel Cambras répondit « On ne refuse rien à des hommes comme vous ».

Attitude héroïque, ou folle ? Peu importe, c’est l’attitude que l’on attend d’un soldat, surtout d’une troupe telle que la légion étrangère. En l’occurrence, la bravoure impressionna tellement les Mexicains que le monument honorant les pertes Mexicaines et Françaises est salué par tout soldat passant devant, et que la mémoire des évènements est perpétuée au sein de la légion. Les questions politiques de l’engagement de la France pendant la guerre du Mexique, ou le pourquoi d’une telle bataille sont, à mon sens, devenus accessoires. Seule perdure la réalité des évènements, celle qui démontre que la détermination et le courage ne sont pas des valeurs vaines et ridicules. Etre patriote, cela a aussi un sens pour ces légionnaires. La devise de la légion est « La légion est notre patrie », et c’est avec respect et honneur que les légionnaires défendent cette idée.

Je me suis souvent demandé ce qui peut pousser un soldat à résister jusqu’au bout. Les idéaux, les opinions politiques sont les premières choses qui tombent très bas quand le combat commence. Un soldat ne se demande guère s’il est du bon côté, il se demande comment survivre, et ce, s’il le faut, au prix de la mort de l’ennemi. C’est un véritable paradoxe : on accepte le sacrifice ultime pour des idées, mais l’on ne pense pas à elles pendant la canonnade. On sait qu’on est là pour ces idées, pour un drapeau, mais l’on réserve une pensée émue pour la patrie une fois l’escarmouche terminée. L’honneur, c’est ce qu’a fait cet officier mexicain : respecter l’adversaire, et lui rendre les hommages qui lui sont dus. Reprochez moi d’être un rien nostalgique d’une « autre idée » de la France et du monde, mais, mine de rien, celui que l’on qualifie aujourd’hui d’ennemi, on l’emprisonne, on l’exécute, c’est un anonyme qui n’a jamais le droit au respect que l’on doit aux combattants. Oui, il est certes facile de vomir sa haine sur des terroristes fanatisés, mais ceux qui se battent sont aussi, et surtout, des gens qui veulent la liberté, pas une occupation sordide et sans réelle perspective d’avenir.

Je ne crois pas aux vertus de l’éducation martiale. On a créé des générations de soldats acharnés, des combattants enfants armés pour un ultime combat perdu d’avance, et engendré des adolescents traumatisés à jamais. Je crois à la vertu du volontariat, du déterminisme personnel. Les engagés de la légion sont des gens ayant choisi une carrière difficile, éprouvante, et dangereuse. Le képi blanc, les marches lentes, ce sont des symboles qui fédèrent plusieurs générations de soldats en France. Nombre de personnes ne croient plus en l’armée pour défendre des valeurs telles que la liberté ou la paix, or c’est le rôle même de l’armée : protéger la patrie et son peuple. C’est sous les ordres des politiques que les militaires peuvent devenir des tortionnaires, et non le contraire. Un putsch « militaire » n’est jamais qu’un politicien avec un uniforme qui réussit à diriger son armée contre d’autres politiciens… puis, par voie de conséquence, le peuple lui-même.

J’aimerais que Camerone soit enseignée comme une bataille symbolique pendant le cursus scolaire des adolescents, ceci afin de leur faire comprendre que le sacrifice n’est pas une folie, c’est une forme de courage rare, de celui qu’il faut pour défendre une haute opinion de la nation, donc de soi-même. Se reconnaître dans un drapeau, c’est déjà appartenir à une communauté qui dépasse les religions et les ethnies, c’est être un membre d’une seule entité, et donc d’y participer avec volonté et bon sens. Tenir un fusil en tant que militaire est aussi important que voter en tant que civil, travailler, bien éduquer ses enfants… Cela semble, encore une fois, « nostalgique » du « travail famille patrie » de Pétain. Il n’en est rien : je crois à ces qualités, je crois qu’il est indispensable de croire en sa patrie comme en son peuple. Cela a été prouvé par des victoires contre la dictature, contre l’occupant, contre l’oppression en général. Respect et honneur à ceux tombés ainsi, avec le sens du devoir…

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