06 janvier 2010

Albator…

Certaines images sont magiques. Je suis tombé à peu près par hasard sur des clichés de la NASA, notamment ceux pris par Hubble, et j’ai été stupéfié par la froide beauté de ces clichés, et cela m’a ramené à un passé d’enfant fasciné et ébahi par un personnage devenu mythique : Albator. Capitaine Herlock (de son vrai nom, puis devenu capitaine Harlock, allez comprendre pourquoi) fut un véritable déclic tant sur l’aspect esthétique que scénaristique. Plus de trente ans après sa première diffusion en France (Albator 78), il n’en reste pas moins incroyable de constater que cette saga spatiale reste d’actualité, tant les thèmes abordés sont forts et proches de nous.


On peut se moquer d’un graphisme daté, d’un style qui ne fédère pas spécialement tout le monde, et pardessus tout des musiques et voix choisies n’importe comment pour la version Française (« Merci » à Jacques Balutin qui a tourné en ridicule un des personnages pourtant essentiels aux deux séries de 78 et 84), mais sur le fond tant que sur la forme, Albator aborde des choses que j’aime : la révolte contre l’oppression, la détermination à résister, le respect de la vie humaine, l’honneur et enfin l’amitié. Sur un fond faussement enfantin (et surtout quasiment absent de la version originale), Albator forge donc le personnage torturé par ses principes, blessé dans sa chair et son cœur, tiraillé entre l’envie d’être en paix et celle de défendre les opprimés. Caricatural ? Pas tant que cela : qu’est-ce donc d’autre que l’honneur et l’orgueil qui peut mener les gens ordinaires à la résistance ?

Bien que projeté dans un univers futuriste, Albator porte aussi en lui des thématiques qui, mine de rien, sont inabordables pour les enfants. Je ne me suis pas réellement attardé sur ces aspects étant enfant, mais le regard de l’adulte, lui, ne manquera pas de s’y arrêter. Tout d’abord, l’ennemi est « humanoïde », clone sans émotion fonctionnant totalement grâce à un système hiérarchique dépourvu d’humanité. Excepté l’aspect physique, on pourrait presque substituer des machines aux humanoïdes tant leurs actions sont dictées par la rigueur métronomique de l’ordre et la discipline. De fait, le clonage est donc le débat de fond qui a, récemment encore, la communauté scientifique, ainsi que tout être humain s’intéressant à l’éthique.
Le second aspect majeur de l’épopée du pirate est d’agir sans racisme. Les équipages des deux navires d’Albator sont constitués tant d’enfants que d’extraterrestres. Ce point remarquable est essentiel : en pleine époque de remise en question des systèmes établis (la fin du racisme aux USA n’est pas si lointaine, et l’apartheid Sud Africain est vertement critiqué dans le monde entier), un dessin animé suggère la possibilité d’une cohabitation entre les races et les peuples, ceci dans un but commun qui est la liberté. L’oppresseur prend donc la forme des clones, l’allégorie de l’uniformité, voire même de la difformité de l’âme. Sans âme, pas de vie.
Un autre détail peut dérouter, et pousse à la réflexion l’adulte que je suis devenu. Trop de séries et de dessins animés caricaturent la trahison, faisant du traître un ennemi à abattre sans aucune sorte de concession ou de charité. Dans un épisode, Albator affronte son ancien navire, commandé par le père d’une enfant, passagère de son bâtiment. On peut considérer qu’un humain tentant de battre Albator est par conséquent un traître, or à aucun moment celui-ci est traité comme tel. Son suicide pour détruire la machine de guerre « parfaite » qu’il commande est également un signe de rédemption, l’acte final pour sauver Albator (sauver l’espoir de l’humanité), et donc sa propre fille (son propre espoir par procuration). Beau, poignant, cet évènement amène donc à autrement plus de profondeur un « ennemi » qui aurait pu être typiquement manichéen.
Un dernier aspect scénaristique qui m’a échappé étant enfant est la « fusion » entre l’homme et la machine. Trois questions sont alors abordées en simultané, ce qui tend à démontrer que la série Albator ne s’est pour ainsi dire jamais adressée à des enfants : la maladie, la mort, et l’abnégation. Le personnage Alfred est le mécanicien du vaisseau. Tombant gravement malade, celui-ci, pour sauver la femme qu’il aime, transfère son âme dans le vaisseau de celle-ci, devenant ainsi, en quelque sorte, l’ange gardien de la femme aimée à jamais. Dignement, sans une plainte, l’homme quitte donc le monde des vivants, choisissant le sacrifice suprême comme dernière étape de son existence. Au fur et à mesure où le mal progresse (maladie nommée le mal de l’espace), Alfred gère la situation avec une humanité et une abnégation incroyable.

Je suis épaté, a posteriori, que les gens puissent regarder qu’en surface une telle œuvre. Oui, graphiquement nous sommes très loin des miracles de la technologie actuelle, mais une telle profondeur de thématique est aujourd’hui trop rare. Même si le programme peut être regardé par un préadolescent, je crois qu’il serait utile, voire indispensable qu’une telle série soit regardée avec un adulte capable d’en discuter et de lui préciser les qualités cachées des différents engrenages d’Albator. Quelle tristesse que les musiques originales aient été remplacées par des versions françaises sans épaisseur ! Seule la nostalgie parle pour nous autres trentenaires, mais difficile de faire accrocher la nouvelle génération qui aura goûtée à d’autres soupes plus insipides, mais aussi plus clinquantes. Faites en sorte de partager une œuvre singulière, riche de détails et d’enseignements. Merci à vous, monsieur Leiji Matsumoto !

PS: J'allais oublier: le capitaine Harlock et son ami Tochiro (alias Alfred...) sont amateurs de boisson, notamment de bons vins. Des amateurs de bonne chère, quoi demander de plus?

Un site fait par des fans, en Français.

1 commentaire:

Carine a dit…

Perso, j'adore la balaffre, et le fait qu'il puisse veiller sur la galaxie, et la liberté aussi..
Seule petite ombre au tableau.. une Paire et pas des moindre:
Eric Charden et Didier Barbelivien..
Bon, en même temps, c'est peut-être ce qu'ils ont fait de mieux..
Que je suis mauvaise laaaangue!!