29 septembre 2009

Pertinence de l’information

Dans un monde où tout n’est plus qu’information, où chaque chose est devenue hiérarchisable, archivable et modelable, nous en sommes réduits à remettre en doute toute chose qui nous arrive. Depuis le message d’un proche par mail interposé, jusqu’aux unes des journaux électroniques, nous n’arrivons plus à prêter foi à l’information brute. Que l’aspect critique soit une nécessité absolue est une chose, mais que l’on soit tenu d’être paranoïaque avec notre quotidien, cela devient alors un symptôme d’une société très mal en point.

Nous ne savons plus qui est qui. L’ambiguïté de l’identité numérique, l’absence de contrôle sur la véritable personnalité de ceux qui nous contactent, tout cela n’apporte qu’une méfiance encore accrue vis-à-vis des nouvelles technologies. Prenons les virus : ces petits programmes malicieux apprécient s’approprier votre messagerie, puis se multiplier en usant de votre identité pour tromper vos contacts. Apparemment sans danger, ce procédé devient vite une véritable source de heurts où, malheureusement, vos dits contacts vous croient de mauvaise foi quand vous leur expliquez votre innocence. Bien entendu compréhensible, cette méfiance est à présent non plus l’exception mais la règle. Concrètement, vous ne possédez plus votre personnage, c’est lui qui empiète sur votre vie, puisqu’il devient susceptible d’être le premier abord à votre identité réelle !

J’abhorre les manipulations : photographies truquées, retouchées, vidéos redoublées, traductions douteuses et orientées, bref les moyens de communication numériques offrent un énorme potentiel de manipulations diverses et variées. L’escroquerie et la tromperie sont monnaie courante, à tel point que les administrations nationales se voient impuissantes à maîtriser ce nouveau moyen de fraude. A l’instar des « débats » sur les photos retouchées des stars et des mannequins, les informations peuvent, elles aussi, subir le pinceau habile et malsain d’un retoucheur compétent. Notons par ailleurs que la délation et le mensonge s’approprient facilement ces nouvelles méthodes de tricherie : fausses photographies, exagération des images, voire même trucage intégral de vidéos pour « la bonne cause ». Tout est bon pour mettre en mauvaise posture une personne, une entreprise ou bien un état. Le 11 Septembre 2001, évènement majeur s’il en est pour les Américains, été le support de toute une entreprise de propagande visant, soit à insister sur le terrorisme islamique, soit au contraire sur le mensonge d’état entourant les attentats. Dans ces extrêmes où l’image est devenue une arme au même titre qu’un missile de croisière, la vérité est à présent modulable et déformable, au point d’en devenir accessoire. « Est-ce vrai ? Est-ce exact ? » est maintenant « Est-ce crédible ? ».

Nous ne pouvons plus vraiment juger de la pertinence de l’information, enfin dans un délai raisonnable. A-t-on manipulé l’information au préalable ? Peut-on y croire ? Nous sommes soumis à des informations qui, malgré tout, viennent perturber nos croyances et nos convictions personnelles. Tant que nous sommes confortés, tout va bien, jusqu’au point critique où nous avalons goulûment toute chose qui ne nous dérange pas dans notre for intérieur, et nous rejetons toute atteinte à nos certitudes. Pourtant, la certitude est le meilleur moyen de se tromper, et c’est l’essence même de la propagande. Fais croire un mensonge, et il en deviendra vérité, telle est la doctrine du propagandiste. Il n’est pas essentiel que le mensonge devienne réalité, il doit devenir vérité, ce qui est notoirement différent. Alors, quand des millions d’informations arrivent en vrac, sans tri ni vérification ou contrôle, lesquelles sont pertinentes ? Dans l’amoncellement de dépêches et d’articles bidonnés, qui dit la vérité, qui relate avec exactitude ? Nous n’avons que peu de pouvoir pour valider, tout au plus nous nous méfions de certaines sources, et estimons comme improbables certaines choses. Pour reprendre le 11 Septembre en exemple, nombre de personnes (moi en premier) mirent en doute la véracité des images en direct… Jusqu’au moment où le doute fut levé. En direct ? Certes, mais réaliste et surtout vrai… pas si sûr que ça !

Je ne sais pas vraiment quoi penser en ce moment. J’ai la désagréable impression que la propagande prend une part de plus en plus grande dans nos vies, et qu’elle tend à exacerber les antagonismes : racisme, violences urbaines, guerres politiques, dévalorisation des compétences et surtout de l’honnêteté des politiques, tout semble tirer notre société non vers une confiance accrue dans notre capacité à comprendre, mais au contraire à la mener vers des réactions épidermiques. Typiquement, les manifestations d’opposition semblent de plus en plus virer à l’inutile, à la démonstration symbolique face à des monolithes économiques. Est-ce que, concrètement, les manifestants obtiennent la survie de leur entreprise ? Non, ils obtiennent majoritairement un chèque de compensation, petite somme dévouée à s’acheter une conscience. Plus les gens auront peur, plus le discours sécuritaire aura des adeptes. Plus l’économie aura l’air mal en point, plus les conditions précaires d’embauches, les facilités de licenciement ainsi que la création de statuts bâtards mais pratiques pour les grandes entreprises auront force de loi. Dans une société où avoir un travail s’avère maintenant vital et difficile à la fois, faire la fine bouche est plus difficile que jamais. Pertinent que de matraquer les gens avec la chute de l’immobilier, les entreprises qui débauchent, les usines qui se figent, et les géants qui perdent temporairement des sommes colossales ? Oui, pour que le petit peuple soit pétrifié d’effroi et choisisse le silence résigné plutôt que d’aller réclamer une augmentation de salaire par exemple. Est-ce organisé ? Je ne crois pas, je crois surtout à l’opportunisme étrange des décideurs en fonction des propagandes du moment : pré élection de 2007 ? Images de crises urbaines, émeutes, discours sécuritaire… et élection de son chante au poste de président de la république. Crise financière, annonces choc. On serre les boulons de l’économie, on sabre dans le gras des systèmes sociaux… Des réactions ? Aucune. Pourquoi ? Parce que le peuple répond : « plutôt que de tout perdre, sacrifions un bout pour que le plus gros subsiste ». Etonnant, non ?

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