24 juillet 2009

Qualitatif

C’est étrange, cette façon de quantifier toute chose sur terre… On se prend à vouloir tout mesurer, un peu comme si le mètre étalon pouvait faire des petits et ainsi représenter chaque étape de l’existence sous forme de graphique, ou bien de synthèse synthétique. Ne me demandez pas pourquoi, mais cette manie est de plus en plus envahissante, d’autant plus que cela touche tous les points de l’existence. Depuis votre naissance, jusqu’à votre mise en terre (ou en cendrier), chaque évènement dispose d’une table de référence prompte à vous fournir ce que vous coûtez, et si la façon d’opérer est rentable, ou tout du moins si elle n’est pas excessive. Nous ne serions donc que des séries d’opérations mathématiques, de lignes comptables, où tout bon gestionnaire pourrait trouver son bonheur.

Je hurle contre cette façon de voir ! Depuis quand peut-on quantifier la vie ? Oh, je sais, il suffit de se poser les bonnes questions, et tout humain peut être qualifié en terme de coût. Tenez, les militaires, eux, savent vous dire sans hésitation ce qu’un troufion coûte précisément chaque jour sur le front… mais de là à généraliser le concept… Quoique : la sécurité sociale, elle aussi, sait très bien vous dire que vous êtes un poids de la société avec votre cancer, que vous êtes pénibles à être myopes, ou encore à râler parce que vous voulez être pris en charge suite à une chute en skis. Admettons. On veut économiser l’argent, rationaliser les méthodes afin d’optimiser l’efficacité, mais cela ne me semble pas systématiquement pertinent, si ce n’est pour faire plaisir à un foutu comptable qui se moque de la qualité, et qui n’observe que la colonne « débits » de son livre de comptes.

C’est assez flagrant dans les hôpitaux d’ailleurs. « Fermeture du service obstétrique pour cause de rentabilité insuffisante ». Parce qu’un accouchement, c’est supposé être rentable ? Et notre fonctionnaire es analyste, il l’est, lui, rentable ? Observez donc ce parasite du tissu social, qui se gave de chiffres, vous vomit des bilans haineux à l’encontre du personnel soignant, et qui, en bout de chaîne, se plaindra de l’inefficacité du service des urgences qu’il aura préalablement réformé ! Un seul mot me vient à l’esprit en songeant à ce genre de monomaniaque du portefeuille, mais tant la décence que la politesse m’imposent le silence en ce lieu.

Oh et puis on s’en fout : CONNARD ! Oui, non pas Monsieur Connard, mais bien le connard, l’abruti primaire qui ne sait pas différencier la nécessité d’un service de proximité et le coût pour la collectivité. En parlant de collectivité, n’est-ce pas là le rôle des administrations, que de répondre aux besoins collectifs, et ce où que ce soit ? A ce rythme, autant sous-traiter la fonction publique, et donc fermer les mairies en campagne, faire disparaître la gendarmerie en montagne et j’en passe. Ce n’est pas caricatural, pas plus qu’il est logique d’aller raisonner en termes financiers dans ce domaine. Mais là, j’ai fait un énorme zoom sur un aspect de la mise en équation de la vie, allons jeter un œil sur la nôtre, d’existence !

Objectifs, résultats trimestriels, quotients de productivité, réalisés sur historiques, toutes ces notions touchent chacun de nous ou presque. Que de concepts pour simplement exiger de toujours plus produire, toujours plus économiser au détriment du service, et finalement dégrader totalement la perception de tout un tas de professions. De qui se moque-t-on ? Ce n’est pas en instaurant des objectifs intenables qu’une personne deviendra plus efficace, pas plus qu’un râlant sur le salarié tributaire d’un marché en berne concernant ses résultats. Les voitures se vendent mal en ce moment… et vous allez demander à un vendeur d’augmenter ses résultats ? Ca n’a pas de sens ? Alors pourquoi maintenir ce genre de pression sans efficacité ni intérêt ?

On me parle souvent de lisibilité de la santé des sociétés. Fort bien. Admettons donc qu’à l’augure de bons résultats en pourcentages, la clientèle est nécessairement satisfaite et les salariés payés au plus juste prix. FAUX ! Réduisez la qualité, réduisez les salaires, vous augmentez la marge… temporairement. Le client qui a deux sous de bon sens ira voire votre concurrent qui, lui, s’engagera avant tout sur la qualité finale de sa production. A quoi bon disposer d’un produit fini deux semaines en avance sur le planning, si le produit ne correspond pas à votre attente ? Cette façon de faire a coûté la vie à bien des entreprises prospères, tout comme elle incite aujourd’hui à revenir du modèle de la délocalisation. Tôt ou tard, il faut payer le juste prix de bout en bout, et rouler le client n’est pas la solution.

Ceci dit, je vois au moins un domaine où ce genre d’analyse serait judicieuse : la politique. On aurait bien besoin d’identifier d’un côté les promesses, de l’autre celles tenues, et de pénaliser chaque manquement. De toute façon, le politique a pour mission première de nous baratiner, ce qui par conséquent revient à dire « J’ai promis, mais la conjoncture/crise/cohabitation/inertie de l’administration m’impose de ne pas pouvoir le faire ». Commun, baratin, mais si efficace pour se laver les mains du mensonge…

Bons quotas les enfants, demain, si vous ne tenez pas la ligne de progression, vous serez envoyés au goulag !

Un retour au soviétisme barbare des déportations en Sibérie ? Meuh non… dans le Larzac ou la Creuse, tout au plus…

Aucun commentaire: