10 juillet 2009

Barbarie

Je m’interroge parfois sur la nécessité d’exacerber des faits divers pour en tirer des situations supposées communes. L’exemple actuellement très flagrant est le jugement du procès Fofana. Souvenons nous de l’affaire : une bande organisée enlève, séquestre, torture puis finalement tuent un jeune homme juif nommé Ilan Halimi. Fofana est le nom de famille du principal accusé dans cette enquête. Fait divers ? Rien ne vous choque donc dans l’énoncé des faits ? Moi si : que l’on mentionne la religion comme étant signifiante. Certes, on ne peut ôter le côté xénophobe du crime, toutefois j’estime comme superflu d’aller en tirer des conclusions.

Il s’agit là d’un problème récurrent depuis Nuremberg : tout acte contre une personne de religion juive est forcément un acte antisémite, toute affaire est alors montée en exemple de la situation des juifs dans le monde occidental. J’estime que ce raisonnement est non seulement erroné mais même honteux de la part tant de la presse, que des associations se battant contre le racisme et la xénophobie. J’ai en horreur le terme « antisémitisme ». En quoi un crime contre un juif est-il différent du même crime perpétré contre un catholique, ou un taoïste ? C’est, à ce jour, le seul terme de la langue française définissant un crime contre un peuple et une obédience spécifique. Dans ces conditions, on ne peut pas avoir une information sereine ni même une réflexion correctement orientée vers la quête de la vérité.

Cette affaire est symptomatique de deux phénomènes distincts et tout aussi inquiétants l’un que l’autre. Tout d’abord, c’est la mauvaise assimilation du crime contre une personne à celui perpétré contre un « peuple ». Cet homme, ce n’est pas un peuple, c’est un être humain, une personne, un être vivant qui n’avait pas à subir les foudres de tortionnaires méritant probablement plus le poteau que la cellule. Pourquoi chercher à tergiverser sur ce point ? Raciste, indubitablement, fou très probablement, mais à montrer en exemple du traitement des juifs dans le monde, je dis non. Je ne porterai pas la responsabilité des crimes de guerre nazis (puisque c’est encore et toujours le fond de la rhétorique du LICRA), pas plus que celle de traiter différemment un juif d’un musulman. C’est un véritable scandale que l’on puisse estimer que les crimes « antisémites » soient plus importants à mettre en valeur que ceux perpétrés contre les autres croyances. Et les attaques racistes contre des musulmans ? Et l’incendie d’églises au moyen orient ? Et la traque des moines bouddhistes en Chine ? Nous n’avons pas à distinguer la criminalité de l’intolérance envers une foi par rapport à une autre. Toute intolérance est criminelle.

Le second symptôme à analyser dans ce crime est la déshumanisation de la victime. Le crime passionnel se raccroche à des sentiments convertis en violence, la haine raciale est un exutoire pour la vengeance, mais en arriver à déshumaniser, c’est passer une étape autrement plus importante. La barbarie est quelque chose d’humain, et c’est l’ordinaire de cette violence qui doit inquiéter pardessus toute autre considération morale ou religieuse. Arriver à torturer sans sourciller, rire des souffrances infligées, il s’agit là d’un phénomène qui semble de plus en plus courant. J’en veux pour preuve le meurtre d’une jeune femme par son propre frère qui l’a fait brûler ! Bon sang, quelle démarche intellectuelle peut mener quelqu’un à mettre le feu au corps d’une sœur !? Dans un cas comme dans l’autre, le choix de refuser la notion de « personne » à la victime sous-entend une démarche intellectuelle terrifiante : la hiérarchisation de la valeur d’une vie humaine. J’insiste sur le parallèle à plus d’un titre car notez également que, non content de faire du mal à un humain, les deux dossiers impliquent une détermination et une constance dans la violence ; le premier a torturé avant de tuer, le second a organisé l’incinération du corps. Il ne suffit donc pas de tuer, mais d’en planifier tout le cheminement. Je n’ai pas, heureusement, un tel sang froid !

Ce genre de crimes semblent progresser : nous avons oublié que l’humain ne vit pas seul, il vit en société, et que cette société mue sans arrêt. Notre monde me semble autrement plus enclin à tolérer l’extrême violence, et à considérer toute modération comme une censure. En allant plus loin, je crois même que des fondamentaux tels la famille, la structure éducative de l’enfant, ou encore la sécurité par la police sont aujourd’hui traités avec irrespect. Un professeur n’a plus d’autorité, pas plus qu’un policier que l’on nomme péjorativement « flic ». Va-t-on vers l’ultime étape qui est d’oublier que l’humain est humain ? Quelles sont les solutions qui s’offrent à nous quand on se permet de distinguer les crimes non par leur violence mais par le type culturel de la victime ? A stigmatiser des communautés, nous ne parvenons qu’à renforcer l’opinion de certains les déclarant « profiter du système pour se placer en victime ». Quelque part cette opinion est particulièrement vraie dans ces deux dossiers. Pour Fofana, c’est « parce qu’il était juif qu’il est mort », pour la seconde l’argument « vie en cité, crime d’honneur pour une fille trop émancipée ». Merde ! C’est le moyen âge ? Alors à quand l’inquisition ?

Ne laissons pas ces jugements de valeur prendre le pas sur le jugement légal qui dit que : « un criminel sera jugé équitablement, selon le dossier, et sans implication de sa race ou son obédience ». On devrait ajouter « Et les crimes lui étant reprochés analysés sur les conséquences, et non uniquement sur des causes plus ou moins compréhensibles ».

Aucun commentaire: