19 juin 2009

Gamine inconnue

Dis, pourquoi tu me regardes avec ces yeux écarquillés ? Qu’est-ce que j’ai, un nez rouge ? Tes jolies prunelles, gigantesques boutons logés dans une bouille arrondie, que scrutent-ils avec tant d’avidité ? Allez sois sympa, raconte nous comment tu vois ce monde débile où tout le monde court à en perdre haleine, où les gens vont de A vers B, en sachant qu’au bout de la route, c’est toujours la Mort qui nous attend ? Dans ton univers, c’est qui le gentil, c’est qui les méchants pas beaux ? Toi la gosse, expliques nous comment, avec ta dînette de plastique, tes poupées de chiffon et ton ours à la fourrure synthétique, tu arrives à faire de grand Yalta sans arme ni combat. Nous, les adultes responsables (surtout de tous les maux), on aimerait bien voir à travers ton regard les arcs-en-ciel, les fleurs qui bourgeonnent, les nuages aux formes improbables, et vivre ainsi dans un univers pastel et paisible. Aides-nous s’il te plait !

Tu es là, déambulante petite chose courte sur pattes, vêtue d’une salopette bleu marine et d’un maillot rayé, tu me regardes avec tes couettes blondes faisant antennes sur tes tempes, et tu souris. Que cache ce sourire ? Il est si sincère, si chaleureux qu’il transperce l’âme et vient se ficher droit dans le cœur. Tes mimiques ne connaissent pas les détours de l’hypocrisie, tes gestes ne sont qu’honnête tendresse ou impartial rejet des choses qui ne te conviennent pas. Alors la gosse, dis nous tout sur le secret de la vie candide, dessine moi donc un de ces châteaux de princesse où le monstre meurt toujours à la fin, j’aimerais tant savoir ce que cela fait d’être un prince, un vaillant homme capable de sauver veuves et orphelins sans doute ni intérêt personnel !

Tes petits pas font sonner le carrelage avec tes souliers vernis. Tu t’avances, sûre, fière, te tenant droite comme le « I » que l’on vient de t’enseigner à l’école. Avec une attitude digne d’une Reine, tu ânonnes ton alphabet à qui veut bien l’entendre, et tu te moques que ton auditoire soit intéressé par la politesse de ne pas te froisser plus que par tes progrès. J’adore cet aplomb, cette certitude où l’erreur n’est qu’une réponse juste mal présentée, j’aime à t’écouter brailler après l’incompréhension des grands, et j’apprécie encore plus ta franchise quand tu dis « Mais tu es bête ! ». Pourquoi faut-il que tu changes en grandissant ? C’est si chouette l’enfance il paraît !

Et puis les souvenirs que tu te fais, ils vont s’évaporer aussi rapidement que disparaissent tes rêves au soleil levant. Tu vas pousser, fruit d’amour, fruit nature mûrissant à l’éclat des choses. Ton monde s’agrandira, et plus la carte du monde te sera étroite, plus ton innocence prendra la tangente. Qu’il est dommage que l’on doive devenir des adultes, qu’il est triste d’apprendre à se contenter ! Tu es insatiable, gourmande des choses savoureuses, avide de connaissance, dévoreuse de contes et de crayons de couleurs. Tu dessines ton monde en millions de tons différents, un visage vert, un œil jaune, une voiture violette, mais qu’importe, c’est ton monde, celui que tu veux, pas celui qui s’imposera peu à peu à toi. Et dire que si nous étions tous aussi légers, nous pourrions partager notre monde avec tellement plus de facilité ! Les négociations ? Pour qui ? Pourquoi ? Quelle importance ? Le parc est bien assez grand pour tout le monde, il y aura toujours assez de pommes dans le verger, et puis un ballon pour tous, ça suffit pour jouer tous ensemble !

Alors finalement, je te regarde t’en aller, ours en peluche sous le coude, souriante, et tendant ton autre main à une mère attentive à ta sécurité et ton bonheur. Tu me souris une dernière fois, tu t’en vas, chantant une chanson inconnue, peut-être un air entendu à la radio, ou bien une comptine sans queue ni tête, mais je m’en fous, tu as été, l’espace d’une minute, un moment de pure détente. Ne grandis pas trop vite petite, prends le temps de vivre, d’exister, et non de devenir un fantôme gris, une personne tellement ordinaire ! Tu es magique, gamine...

Ah enfin, j'allais oublier: j'ai vu le film Coraline au cinéma. C'est magique, étrange et onirique. J'ai tout aimé, depuis l'esthétique si décalée jusqu'à la musique envoûtante. Allez-y en adulte, et redevenez, l'espace d'une séance, des enfants qui aiment rêver. Ce n'est pas vraiment un film pour gamins, il s'adresse à nous, adultes qui regrettent leur candeur passée. C'est fondant, amusant, tendre, et je pense qu'il mérite toute votre attention. Certains n'accrocheront pas sur l'aspect graphique, d'autres soupireront des poncifs utilisés, mais après tout... l'enfance, si ce n'est pas des poncifs, qu'est-ce donc alors?

Fiche du film et séances sur Allocine.fr

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