19 mai 2009

Pérégrinations radiophoniques

Si j’aborde la radio avec circonspection, c’est avant toute chose par la segmentation drastique du marché. Entre la radio dédiée aux vieux nostalgiques d’une musique créative révolue, et les canaux faits pour abrutir les tympans d’une jeunesse fascinée par le clinquant et l’artificiel, difficile, pour moi, de trouver une station capable d’offrir tant un contenu culturel que musical. J’admets un certain sectarisme auditif, et plus encore, une forme d’allergie profonde aux miaulements pénibles de midinettes vêtues aussi court que possible. Alors, évidemment, j’enquille plus facilement un de mes disques dans l’autoradio que de laisser libre court aux ondes hertziennes.

Cependant, lorsque mes rares errances nocturnes me le permettent, je me laisse tenter par l’exploration de la bande FM. Ah, que la nuit est douce quand elle s’accapare les microphones, lorsque, enfin, elle expulse l’adolescence boutonneuse des canaux ! Je comprends mieux pourquoi certains auditeurs s’enivrent d’émissions tardives, quitte à rogner sur le sommeil tant les contenus semblent retrouver forme culturelle : discussions vulgarisées (sans être expurgées) sur les sciences modernes, débats construits sur l’Homme, et puis ces styles de musiques qui ne sont pas consensuels, ou du moins peu ou pas suivis en France. L’autre nuit par exemple, j’ai pu tour à tour savourer le style Nashville pour de la country, songer aux progrès de la microbiologie et de la thérapie génique, et même m’étonner en découvrant des inconnus à la prose intéressante. C’est ainsi, le culturel est obscur, alors que paradoxalement elle a fait les beaux des lumières.

Quand vous saisissez le bouton d’une radio, n’est-ce pas frustrant d’être tenu de supporter le même refrain formaté et diffusé partout ? Que dire de la radio si ce n’est qu’elle est devenue (à moins que je fusse trop jeune pour m’en rendre compte il y a quasiment deux décennies de cela) le support aux grosses ventes sans saveur, le média favori des braillards vindicatifs, et hélas, le dernier refuge des noctambules épris de notre belle langue. Qu’on se le dise : l’adolescent n’est pas le roi, pas plus que nul n’est tenu de supporter l’inqualifiable boucan prétendument musical. Arrivez-vous, sans frémir, à écouter la dernière compilation des plus grosses ventes de l’année ? Expérimentez cela chez votre disquaire, ou dans le centre commercial le plus proche. Personnellement, je trouve cela édifiant, d’autant plus informatif que cela me conforte dans l’idée qu’il est plus simple de formater un adolescent par la musique que par l’uniforme kaki, comme du temps du service national obligatoire.

Alors la nuit, quand le sommeil n’est pas prompt à se saisir de moi, ou quand je dois rejoindre mes pénates au volant de mon véhicule, je me berce de ces émissions où la découverte n’est pas un vain mot, où le consensuel disparaît au profit du débat. N’ayant jamais vraiment adhéré au concept des « antennes libres », je trouve que laisser la paroles à ceux qui savent, quitte à ce qu’ils se disputent, a une vertu informative des plus importantes. Pour revenir rapidement sur l’antenne libre : prenez un demeuré avec une équipe d’idiots, laissez leur le studio avec pour mission de discuter avec les auditeurs. Sujet ? Ce que l’auditeur veut, sans limite ni réflexion. Alors tout y passe : la sexualité de l’adolescente manquant d’information sur la contraception, les fantasmes de l’adolescent boutonneux (enfin fantasme… copie conforme d’un film pornographique quelconque), ou encore les colères de diva d’une révoltée gauchiste de seize ans qui révisera ses idées dans une décennie (pour voter à droite, tant qu’à faire).

Je me souviens d’avoir vécu un de mes plus grands chocs radiophonique lors d’une nuit d’insomnie. J’étais encore ado, féru de culture et amateur de réflexion « de révolté ». Et là, l’illumination : en faisant tourner la molette des fréquences, je suis tombé sur « Le fantôme de l’opéra » sous forme de théâtre radiophonique. Une perle, un diamant, un vrai bonheur d’entendre ainsi des comédiens jouer les rôles, d’entrer dans l’histoire et de bâtir, avec mon imagination, les lieux décrits par le narrateur. Une sorte de livre interactif, un petit plaisir pour celui qui sait s’offrir tout entier au monde des songes. Dites les producteurs, pourriez-vous faire l’effort de présenter ce genre de contenu à des heures décentes ? Il y a tant de livres d’aventure, tant de mondes parallèles, tant de héros à lire et à entendre ! Ce serait tellement plus enrichissant que le « français » (guillemets et pincettes de rigueur) de ces animateurs à la bêtise monumentale. Non, « si j’aurais su » n’est pas acceptable, pas plus qu’il est intéressant de savoir les derniers écarts de conduite d’une star.

Avez-vous une émission en tête ? La seule à laquelle je songe, concernant un horaire tolérable est les grosses têtes. Bouvard et sa bande, malgré un humour parfois potache et un rien pénible, arrive à dresser encore bien haut les couleurs de la verve et de l’esprit. Qu’il leur soit rendu hommage… en espérant qu’il y a d’autres personnes pour brandir un tel flambeau.

1 commentaire:

Thoraval a dit…

Ouais... Une édition audiophonique de tes écrits? Ce ne serait pas une mauvaise idée, non? Pour les malvoyants, ou pour les autres...

Pour le reste, côté diurne, tu peux aussi chercher sur les différentes chaines radio leurs émissions et les télécharger légalement.

En tout cas, c'est bien d'avoir fait cet écrit pour rappeler l'existence de la radio et d'une richesse plus exaltante que la boite à images.