03 avril 2009

Question de priorité

Voilà que, pour une fois, je tombe sur une question existentielle d’actualité, et qui plus est posée avec intelligence « Doit-on sauver la planète en premier ou bien le capitalisme ? ». A cette question, nombre de réactions furent d’opposer écologie et économie, d’autres de décréter les bienfaits du capitalisme par rapport aux autres systèmes, et finalement aucun discours complet, ou tout du moins argumenté sur le fond ne fut en mesure de répondre clairement à la question.

Par défi intellectuel (qui ose dire me concernant « comme d’habitude » !) je me suis interrogé sur la primauté de la planète sur le système économique, et inversement sur la nécessité de sauvegarder le marché mondial, quitte à ce que cela soit néfaste pour notre environnement. Dans tous les cas je suis parvenu à une première constatation : nul n’a tenu compte du facteur commun, qui est paradoxalement la cause de tous les maux. L’Homme. C’est bien lui l’acteur principal du drame mondial car tant la destruction de notre monde à petit feu, que l’effondrement des marchés pour diverses raisons sont à lui attribuer. Alors, si c’est l’homme qu’il faut préserver en priorité, c’est en partant de lui qu’il faut raisonner, et non analyser en partant de la politique ou de l’écologie. In fine, c’est bien de cela qu’il s’agit : si l’on sauve la planète on sauve l’environnement de vie de l’homme, si l’on sauve l’économie c’est son mode de vie que l’on préserve.

De là, deux axes sont envisageables. Le premier, évident, serait de dire « réformons ! ». Oui, l’idée est plaisante : on démantèle l’économie capitaliste pour envisager une réforme, avec une moralisation (entendre par là des autorités de contrôle) des échanges, ainsi qu’une amélioration du principe d’échange équitable. Seulement voilà : qui sera d’accord pour réduire ses bénéfices et/ou son emprise sur les états pauvres ou émergeants ? Difficile en effet de demander aux riches de payer le juste prix pour des matières premières quand le différentiel de marge leur revient de plein droit, selon leurs règles économiques bien entendu. En conséquence il est impossible d’asseoir à la même table des réformes des riches et des pauvres, d’autant que les aides des riches ont pour unique but de museler toute velléité de révolte. Chavez fut par exemple la cible de tentatives de discrédit pour le faire taire… Cela laisse songeur. Donc réforme ? Impossible, en tout cas pas tant que la situation n’aura pas atteint un point de non retour propre à faire s’effondrer toutes les nations.

Alors quoi ? Choisir la terre ? Là aussi le problème est triple : économie, investissement, et au final éducation des masses. L’économie est encore basée sur les matières premières non renouvelables comme le pétrole. De fait, aucune structure industrielle ou gouvernementale tributaire de l’exploitation de cette ressource n’acceptera de se départir de ses fonds pour préserver le monde. Les intérêts tant de Total que du Koweït (ou de l’OPEP) sont convergents, du moins sur l’aspect pécuniaire car sans forages le Koweït est condamné à courte échéance à la ruine complète de son système économique. Second aspect : l’investissement. Toutes les nations se sont endettées, voire ruinées dans l’euphorie du système qui s’écroule. Difficile de leur demander de faire un effort supplémentaire quand les caisses sont vides, quand l’activité est au ralenti, et que le chômage nécessite de disposer de fonds pour maintenir les nations dans un état social acceptable, ou plutôt tolérable à brève échéance. Ce n’est pas en temps de crise que l’on peut songer au démantèlement du nucléaire au profit de l’éolien, pas plus que l’on peut suggérer d’investir des milliards dans la création de voitures propres. Le PDG de Toyota a payé de sa place ses idées novatrices mais trop coûteuses sur la question… Le dernier aspect est l’éducation des masses. Tant que les lois sont trop souples sur le thème de l’écologie, les sociétés tout comme leurs clients continueront à consommer sans modération. En conséquence, ce n’est pas vraiment l’écologie qui va nous préserver tant la disparité entre nos bonnes idées et les moyens réellement disponibles pour y parvenir nous bloque. J’ajoute enfin sur ce sujet que si la France a la capacité de communiquer sur l’écologie (qui est à la mode, donc intéressante pour le gouvernement), la Chine, elle, refusera de freiner sa croissance pour des états d’âme à longue échéance. Ce qui intéresse les nations émergentes ce n’est pas un futur à cinquante ans, c’est la faim de la famine à cinq, l’électrification intégrale des campagnes dans dix, et la voiture pour tous dans quinze !

Alors en conclusion, quoi faire ? A mon sens préserver l’économie, quitte à se tirer une balle dans le pied. On peut soigner une plaie une fois qu’on a les moyens financiers de revenir dessus, tout comme l’on peut alors raisonner sa production en jouissant des bénéfices tirés de l’ancienne mode. L’écologie mondiale ne peut et ne dois pas aller à l’encontre du développement car le développement nécessite un raisonnement de fond sur d’une part qui en profitera, et d’autre part dans quelle mesure l’impact à long terme sera gérable. Imaginons une relance mondiale : les industriels reprendront la course à la production, et là les clients pourront alors râler et exiger des produits propres, un air plus sain et un mode de vie plus en accord avec la nature. De fait, la Chine et les autres nations qui courent après le progrès pourront, elles aussi, bénéficier de nos avancées financées non par la bonne volonté générale, mais par l’obligation de résultat des industriels face à leurs clients.

Six milliards de clients potentiels veulent un monde plus propre : faisons en sorte qu’ils consomment pour qu’on le leur donne, telle devrait être la devise des sociétés.

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