17 avril 2009

Opportunité comique

Contrairement à la morale qui a pour habitue de réprimer tout élan comique, l’existence est un florilège d’occasions de s’amuser d’un rien, et puis je l’avoue, des autres. C’est avec un cynisme démesuré qu’il faut prendre la vie car, après tout, c’est après celle-ci que l’on peut enfin comprendre le ridicule de notre statut de vivant. Quelle ironie ! On s’acharne à exister alors que la notoriété, elle, et surtout la légende en fait, naissent de notre disparition. Alors forcément, se marrer de choses supposées tristes dérangent et même agacent, au point qu’on va jusqu’à charger les tribunaux d’en débattre.

Y a-t-il un délai légal pour s’offrir une crise de fou rire sur un sujet donné ? Faut-il par exemple compter un an après un désastre quelconque, dix après une guerre, ou une éternité quand il s’agit de tabous religieux ou culturels ? Pour ma part le sens même de l’idée de tabou provient de notre nécessité d’être encadrés comme des gosses chez les scouts, et que par extension tout ce qui n’est pas prétendument bon deviendra nécessairement mauvais. Affreux, surtout quand on songe à quelle vitesse nos mœurs évoluent. A franchement parler, j’aime pouvoir plaisanter sur tout, sans retenue, sans une once de méchanceté, rien qu’avec la profonde admiration que j’ai pour notre bêtise universelle. Un avion qui se vautre à cause d’une envolée de pigeons, franchement, ça n’est pas risible ? Deux dictateurs qui se disputent le même fauteuil en taxant l’autre de « dictateur à fanfreluche », n’est-ce pas là le summum du comique de boulevard ?

Il faut une certaine dose d’autodérision pour faire du rire. Moi qui vous parle, j’ai un mal de chien à me moquer de moi-même, excepté en petit comité restreint où je suis seul en présence avec le clavier. De cette manière, aucun risque de subir les affres du « mais non tu n’es pas comme cela ! » peu rassurants puisque de circonstance, et surtout je m’épargne de longues séances d’autocritiques prônées par les psy, et rejetées par mes soins. Dans les faits, je préfère donc écorcher notre humanité sirupeuse en appuyant là où les larmes coulent à flot. Les grands massacres ? De grandes lessiveuses faites pour relancer l’industrie de la natalité. Les pandémies ? Un geste pour l’environnement en réduisant à néant des populations peu soucieuses de leur environnement. Des catastrophes naturelles comme un tsunami ? La prochaine fois demandez à Villeroy & Boch de prévoir une plus grande chasse d’eau.

Je sais, c’est immonde de penser ainsi. Ceux qui subissent le malheur n’ont le cœur à rire que de celui des autres, et non du leur. Pourtant, certaines exceptions parviennent à nos oreilles sclérosées par l’humour moralisé, comme ce malade du cancer qui se fout de son crabe, ou bien de mon ami tétraplégique qui déclare sur son répondeur qu’il est « parti faire un footing ». Si ça ce n’est pas de l’humour opportuniste, je veux bien apprendre le javanais ! Songez-y : notre vie si courte et si précieuse soit elle nécessite qu’on la ramène à sa valeur quasi nulle à l’échelle du monde. On fait des études au long cours pour identifier la mortalité de telle maladie, la vitesse de propagation de telle autre, et pourtant, au final, seuls les embaumeurs se préoccupent de ces statistiques toujours bonnes pour le commerce.

Tabou ? Immoral ? Abject ? Un peu de sincérité : la cruauté est du domaine de l’homme qui, dans sa grande intelligence, a trouvé le moyen de jouir (au sens sexuel du terme) de la mort qu’il donne. Le tueur en série fantasme sur sa victime, l’assassin occasionnel exulte du pouvoir qu’il possède pendant l’instant final, et même cette mère cruelle et ignoble peut devenir sujet de raillerie quand, au détour d’un repas trop arrosé, on demandera « Comment s’appelait le fils de la mère qui congelait ses gosses ? Vivagel bien sûr ! ». Infect, n’est-ce pas ? Si votre sourire s’est atrophié à la lecture de l’énoncé, c’est que vous êtes comme moi sensibles à l’enfance… enfin sensible, c’est vite dit. Je vais être honnête : je préfère me moquer ouvertement de la folie plutôt que la craindre, car s’en moquer c’est l’appréhender. A trop croire que la morale saura tout résoudre, nous avons réussi à aseptiser le discours. Notre relation à la vie, et surtout à la mort se résume maintenant à plaisir/peur. Désolé, la vie j’en jouis parce que je ne crains plus de la perdre ! Soyez opportunistes, vivez la en SACHANT qu’elle sera un jour terminée. On n’apprécie que les choses qui peuvent venir à nous manquer.

Soyez cyniques.

Rigolez !

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