06 février 2009

Imaginaire

Ce texte est purement imaginaire. Il peut être transposé pour n’importe quelle situation dans le monde, à n’importe quelle époque historique. Je vous laisse le soin d’en comprendre le sens et mes opinions que j’y dissimule.

Bonne lecture.

Ils ont beau essayer de nous faire passer pour des héros et des sauveurs nous ne sommes que des armes. Nous sommes ce que l’on appelle des outils, ces humains qui deviennent munition et acier pour permettre à des puissants de prendre des décisions et infléchir le cours de l’histoire. Je ne fais pas partie de l’histoire, je la subis comme tous mes camarades qui, comme moi, déambulent le kevlar sur le crâne, le pare balle sur le bide et la trouille dans les intestins. C’est facile de croire qu’on fait la guerre comme on joue aux jeux vidéos, c’est facile de regarder CNN, chez soi, affalé dans son fauteuil en sirotant une Bud’, mais c’est autre chose quand le soleil vous brûle la rétine et que les snipers cherchent le reflet de vos lunettes.

Il fait une chaleur à crever et l’air est saturé de sable. On a beau faire, remercier la technologie des climatiseurs la journée s’organise toujours autour de l’attente. Des jours à ne rien faire, à patienter dans un camp retranché protégé par des miradors et des herses. C’est étrange, ici c’est un petit bout de chez nous, au dehors c’est la guerre civile, la terreur des bombes et des sabotages, et la foule qui nous déteste de plus en plus. Les médias baratineront autant qu’ils le veulent, ici nous n’avons jamais été les bienvenus et jamais nous le serons. La haine appartient à leur histoire et nous sommes des parasites qui veulent leur faire la leçon. Ceci étant on n’en parle jamais entre nous, trop la trouille de finir en cours martiale pour défaitisme, et puis entre aller en vadrouille dans un Hummer blindé et rester de corvée le choix est vite fait. Tout est bon sauf à rester cloîtré dans ces tentes.

Alors parfois cela change : on se fait arroser, tirs isolés, mortier parfois. On ramasse les blessés et les morts, on les aligne sur le sable fraîchement battu par nos rangers et l’on tente de les identifier. Certains sont tellement défigurés que, sans leur collier ce serait impossible. Un collier... comme les chiens qui sont tatoués pour qu’on les retrouve plus facilement. D’ici à ce qu’ils nous collent une puce dans les fesses il n’y a plus qu’un pas. De toute façon ceux là repartent soit dans un sac noir pour que le corps ne pourrisse pas trop vite, soit on les rafistole temporairement avant le rapatriement sanitaire. La gloire ! Pas du tout, on appréhende le retour au pays tant nous avons mauvaise presse. Nous n’avons pas choisi l’objectif, nous croyons dans notre mission de défendre les intérêts des USA, mais est-ce vraiment l’intérêt de notre nation d’être ici ? Je ne suis pas un politicien mais je n’y crois pas trop. De toute façon tout le monde s’en fout, ce n’est pas nous qui inquiétons l’opinion publique, ce sont les dépenses dans l’armement et nos rations. Si nous pouvions nous battre gratuitement je suis certain que cela ferait moins de vagues !

On ne peut pas s’imaginer la sensation de traverser une ville fantôme où les gens se terrent tant à notre passage qu’à celui des rebelles. On roule à tombeaux ouverts par peur des embuscades. La consigne est simple : on ne s’arrête pas, coûte que coûte. De temps en temps on perçoit un visage qui sort de derrière un rideau, il nous guette... Est-ce encore un lanceur de grenades ou est-ce un gosse trop curieux ? Quelle différence, il arrive même que ce soit les gosses qui nous jettent des explosifs. Qu’il est frustrant de ne pas savoir sur qui tirer ! Ce serait tellement plus facile s’ils avaient un uniforme, un signe de reconnaissance. Là, c’est tout le monde et personne, c’est à la fois des femmes, des enfants et des hommes. Peut-on croire sur parole cette mère qui affirme qu’il n’y a pas de résistant dans son village ? A-t-on le droit de lui faire comprendre qu’on sait qu’elle nous ment effrontément ? Rien n’est simple, rien n’est caricatural, tout est juste humain et brutal. Humain parce qu’ils sont convaincus que nous sommes des occupants, des envahisseurs, brutal parce que c’est pour eux la seule solution pour nous expulser de leur terre. Malheur au soldat isolé !

Comment cela va être quand je reviendrai à la maison ? Ma sœur refuse de me parler car elle dit que je suis un assassin, mon frère lui ne sait plus comment m’adresser la parole. Pas facile de discuter avec un vétéran qui voit en direct les morts et les assassinats, pas facile de dire ouvertement ce que l’on ressent quand on a du sang sur les mains. Pour qui je me bats ? Je m’en fous à présent, j’étais un volontaire dans l’armée par conviction, aujourd’hui je suis devenu un professionnel qui espère pouvoir changer les choses... enfin les changer, en tout cas faire en sorte que ceux déjà tombés ne le soient pas en vain. Je hais la chaleur, je déteste la soif, je maudis le désert et pourtant, oui pourtant... je dois être cinglé : j’ai rempilé.

Si je me fais descendre, faites une jolie boîte pour mes décorations et donnez la à ma mère. Mon père lui a vu le Vietnam... pas la peine qu’il soit à nouveau torturé à la vue de ces breloques. Par avance merci.

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