23 décembre 2008

Tribulations

Depuis que l’Homme est capable de sortir de sa grotte et d’émettre d’autres sons que de simples grognements il s’est empressé d’explorer le monde et d’en jalonner joyeusement les contours. Non content de s’approprier des territoires, notre cher explorateur s’est également mis en tête de créer des frontières ainsi que des états. Mais si, vous savez, ces pointillés sur les planisphères qui ne se voient pas au sol et qui donnent lieu à une recrudescence du commerce des armes ! Ah ça, pour s’identifier l’Homme fut donc toujours prompt à s’accaparer la terre qui finalement lui rend bien en l’absorbant à son tour, boîte en sapin comprise.

Et voilà que nous voyageons, souriants, insouciants et ravis de savourer le confort d’un fauteuil étroit et raide comme la justice dans un avion charter d’une compagnie sur liste noire ! On se satisfait des paysages, des nuages et autres oiseaux effrayés par la machine volante tandis qu’au dessous errent des soldats en guerre, des sous marins aux mains de paranoïaques ou d’autres avions très lourdement armés. C’est amusant comme du ciel nos nations semblent vaines et inexistantes, comme nos concepts de passeports et autres visas apparaissent ridicules et même pathétique. A dresser des barrières nous en sommes donc venus à nous dresser les uns contre les autres, ce qui a mon sens vaut bien un oscar à la connerie (un de plus va-t-on dire). Alors, au milieu des conflits, entre les balles et les obus l’on trouve encore des tordus qui veulent se déplacer sans limite, de ces malades qui supposent à tort que l’océan est un état indépendant et que le désert n’est qu’un territoire aride et pas une zone militarisée à outrance. Tenez, les navigateurs sur leurs machines hors de prix, ne sont-ils pas les tenants du luxe absolu, celui de la liberté temporaire d’errer d’un port à un autre sans risque d’être contrôlé par une douane volante ? D’un autre côté il faut dire que la vérité ressort vite du rêve... nombre de concurrents du Paris Dakar s’en sont rendus compte soit en croisant des hommes en arme, soit en traversant des zones supposées minées. On ne fait généralement pas deux fois la même erreur mais tout de même, s’aventurer en plein conflit sous prétexte de gagner une course, il y a de quoi se demander s’ils sont sains d’esprit.

La Nature elle se fout de nous à longueur de journées : virus transportés par des oiseaux migrateurs, loups qui se moquent des frontières douanières et j’en passe. Ne rit-elle pas de notre ridicule acharnement à vouloir tout réguler ? Va-t-on leur coller des passeports électroniques ? J’en ris d’avance ! J’imagine bien l’interrogatoire d’un écureuil qui ne s’est pas rendu compte qu’il a franchi une frontière en fraude, tout cela parce que la noisette d’en face était plus appétissante que celle pendant sous son museau. Pauvre de nous, se lamentent les voyageurs, les gens de bonne volonté, ceux qui croient encore mordicus au concept de nation humaine. Ils ont de quoi pleurer même si cela fait marcher le commerce. Merci les taxes, merci les impôts, merci le marché noir, merci la contrebande ! Sans rire, créer des limites crée immanquablement des débordements imprévus et pires que le remède initial, et nous en payons tous les jours le prix. Ceci dit, je pourrais également imaginer que nous allions jusqu’à utiliser les animaux pour en faire des transporteurs aussi agiles que silencieux sur leur tâche. Une baleine, ça ne se syndique pas à ce que je sache. On pourrait alors lui faire tracter des containers à vil prix, tout ça contre un peu de plancton non souillé par nos polluants.

Alors quoi, que reste-t-il des idéaux des grands conquérants des mers, de ces gens qui se sont attelés à cartographier des territoires inconnus ? Le Saint GPS s’est chargé de devenir notre mémoire géographique et qui plus est de nous raccourcir les distances. Amusant quand on sait que plus la distance est courte plus il y a de cons sur la route. Je me moque, mais à tout bien y réfléchir nous avons supprimés le rêve fondamental de voyager : l’action de voyager par elle-même. Rien n’est plus ordinaire que de décoller d’un aéroport, rien n’est plus banal que de prendre le train pour aller à l’étranger. Alors quoi, plus de fantasme de lointain ? A ce rythme les monuments et la culture des autres devient presque trop abordable, une sorte de fast food du divertissement où l’on se presse devant une grille, bien en rang, clac dix photos et hop, patelin pourri suivant. Qui s’émerveille encore sur des paysages simples, sans prétention, rudes et francs ? Mis à part les rêveurs et les dingues comme moi...

n’allez pas en parler à une agence de voyage, elle me foutrait un hôtel juste en face de chez moi !

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