29 décembre 2008

Loisirs de groupe

Qu’il me soit donné de comprendre le pourquoi des mouvements grégaires humains à périodes précises et je pense que je me coucherai, une fois n’est pas coutume, moins idiot que la veille. En effet, rien ne m’est plus incompréhensible que cette nécessité absolue d’aller suivre le troupeau pour effectuer une migration vers des lieux dits de tourisme de masse (mis à part peut-être l’humanité en elle-même, mais là n’est plus vraiment la question). Observez donc : l’autoroute A6 obstruée en été et les routes menant aux stations de montagne en hiver sont deux symptômes de la sauterelle homme engoncée dans son exosquelette mécanique. Je ne dois pas être comme eux puisque je ne saisis vraiment pas ce plaisir d’être mêlé à une foule d’inconnus et encore moins de ressentir de la joie à me serrer contre eux toute la journée.

Tenez, prenons la plage. Quoi de plus déprimant qu’une plage en été ? Entre la compagne blessée de ne pas avoir les formes adéquates pour apparaître séduisante en maillot et son beauf d’époux qui regrette déjà son teint blafard remplacé par les coups de soleil de la première exposition, on assiste vraiment au défilé de celles et ceux qui tentent désespérément de paraître plus que d’être au moment de l’été. Et puis ça n’en finit jamais : défilé de « sans honte » dont l’allure ou la tenue est une ode à l’attitude beauf par excellence, rôtis humains qui ne se sentent exister qu’une fois la peau vérolée de mélanomes en devenir, et ces marmots qui trouvent le moyen de ne pas se noyer alors que la baignade est strictement interdite... Non sincèrement, la plage n’a rien de ragoûtante d’un point de vue uniquement humain. Et puis là survient le pire, la chose qui m’est la plus insupportable, le drame qui me harcèle plus que n’importe quelle autre douleur à la vue d’un beau paysage saccagé par le béton. La plage, un lieu de loisir ? Dites plutôt un étalage où trouver une place revient à garer un camion dans un parking d’hypermarché une veille de noël ! Le moindre carré libre est pris d’assaut, on se dispute l’espace vital avec une serviette refuge et l’on va jusqu’à vous louer (sic) ce dit espace sous prétexte que « tout ce qui est rare est forcément cher ». C’est d’ailleurs pince sans rire qu’on vous propose des matelas à prix prohibitif, tarif supposé décourager les fauchés, en gros vous et mois qui ne mettent pas un SMIC par paire de godasses. Décourageant d’autant que les restaurateurs et hôteliers ne se privent pas pour vous asséner le coup de grâce en triplant le prix de la moindre consommation... Bref, la plage ce sera sans moi !

Parlons en de ces loisirs hivernaux, de cet attroupement bariolé et informe qui vient envahir et souiller les pentes enneigées de nos belles montagnes ! Parlons en de ce bétail qui vient s’entasser dans des cabines bondées, glisser sur les pistes tenant plus de l’autoroute A6 (encore elle) que du chemin vicinal désert. C’est bien simple, il ne manque plus que des feux rouges et la maréchaussée pour que Courchevel ou Tignes ressemblent au périphérique parisien aux heures d’affluence ! Rien que cela m’horripile, alors que dire des goûts vestimentaires plus que douteux qui guident les gens à ces périodes de frimas en altitude ! Arc-en-ciel en guise de blouson, bonnets aux couleurs improbables, lunettes de soleil « à la mode » qui vous font un visage ridicule, bref l’attirail du comment se ridiculiser sous couvert de se croire à la mode. Même les mômes n’y échappent pas, et les marques n’hésitent pas à en rajouter : sponsoring de dessin animé débile sur l’écharpe, jouets divers et variés qui ne supportent la poudreuse que l’espace d’une minute ou deux, et puis au final tant les parents que les enfants se voient plombés par le mouvement perpétuel du look à préserver. Par pitié, équipez vous mais sans pour autant céder à la bêtise ! Sans rire, à quoi bon des oreilles de lapin sur un bonnet si ce n’est passer pour un idiot fini ? Certes, le côté amusant pourrait être mis en avant, mais quand tout le monde le fait...

Il y a une autre catégorie que j’ai oubliée dans mon bestiaire : les retraités. Ceux-là sont une engeance, une plaie pire que celles qui furent promptes à ravager l’Egypte ! Le retraité a deux priorités : ne pas se fatiguer et rester tranquille. Alors là, j’ai du mal à suivre : pourquoi notre cher papi râleur s’acharne-t-il à aller sur les pistes et donc à insulter les jeunes qui, eux, ont encore toute leur souplesse ? Pourquoi faut-il qu’il se plaigne des plages bondées ? Faut-il qu’il soit si stupide pour qu’il oublie que, lui aussi, il fut un amateur de beuveries nocturnes et de ski à tombeau ouvert ? Alors en désespoir de cause il se rabat sur la thalassothérapie, se sent vieillir tandis qu’on le scelle dans de la boue supposée bienfaisante, puis il se satisfait en se disant qu’une partie des soins seront à la charge de la société. Mais merde l’ancêtre, en quoi fuir les zones touristiques est une preuve de bon sens ? Une plage est belle une fois qu’on la sait vidée de la foule, alors autant partir hors saison ! D’ailleurs de saison le retraité n’a pas à s’en soucier vu que, par essence, il est libre d’aller et venir sans contrainte. C’est à croire que la foule a un pouvoir d’attraction même sur les plus anciens d’entres nous. Soit dit en passant, rien n’est plus pénible que la proximité d’un couple d’anciens acariâtres qui ne voient dans la jeunesse (entendre moins de 45 ans) qu’une contrainte voire même une gêne. Je n’ai rien contre les anciens, c’est le contraire, mais j’apprécierais qu’ils me retournent la politesse...

Et puis finalement le troupeau s’est fait faire les poches, il revient délesté de ses économies, mais la peau chargée des balafres dues aux méduses et au soleil trop cruel, et une fois rentré dans ses pénates et l’attirail stocké pour l’année prochaine, le troupeau s’exclamera avec satisfaction qu’il a passé de bonnes vacances. Ah ? C’est cela des vacances ? Très peu pour moi !

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