17 novembre 2008

Psychologie terroriste

Suite à mes inquiétudes concernant le retour sur le devant de la scène (via le cinéma) de personnalités fortes comme Mesrines ou la bande à Baader, je me suis posé la question cruciale qui est de savoir ce qui peut amener des gens apparemment ordinaires, intelligents, cultivés à prendre les armes et choisir la délinquance ainsi que la vie errante de personnes traquées. C’est tout de même intéressant : on ne saurait affirmer que les terroristes soient nés assassins et encore moins que l’environnement soit totalement responsable de l’émergence de mouvements anarchistes, révolutionnaires et surtout usant de la force des armes au lieu de celle des mots. Pourtant, force est de constater que même les nations les plus « démocratiques » ont leur lot de poseurs de bombes et de figures emblématiques dans le domaine du terrorisme.

Tout d’abord faisons un aparté des plus importants : Mesrines n’a jamais été un personnage de type Robin des Bois ou bien appartenant à quelque parti politique optant pour l’action criminelle. De fait, cela l’exclue immédiatement du débat sur l’aspect moral de cette criminalité vu qu’il a choisi le crime comme moyen de subsistance et non comme moyen de revendication. Toutefois accordons lui une chose : il s’est battu contre ce qui était nommé les QHS (quartiers de haute sécurité) qui étaient la honte des geôles françaises. Pour y avoir été détenu il put en parler avec légitimité et dénoncer avec justesse tant l’inhumanité du traitement des détenus que le silence coupable des institutions pénitentiaires.

Revenons au terrorisme. Si l’on prend la bande à Baader en Allemagne ou Action Directe en France, il est tout d’abord notable que l’organisation de tels mouvements n’aurait pu se faire sans l’assistance de personnes cultivées, intelligentes et au sens inné du commandement. On ne saurait créer un groupe terroriste sans un minimum d’organisation et de planification, notamment quand il s’agit d’un kidnapping ou de la pose d’une bombe à retardement. Ce point est donc essentiel pour entrer dans le sujet : sans « cerveau » pas d’action. Au surplus, on ne nomme pas « entreprise criminelle » ces mouvements par pure dérive du langage : tout groupe appliquant le terrorisme nécessite les mêmes réflexions qu’une entreprise. Recrutement, équipement, réseau d’assistance, contacts éventuels sur les marchés « spécifiques », bref budget et ressources humaines tout comme toute bonne PME bien gérée. Il y a donc des cerveaux à la tête de ces groupes, des gens forts qui savent et réfléchissent pour les exécutants.

On peut aisément prétendre que l’éducation est une portion congrue et pas forcément nécessaire à ces chefs de guerre, mais je préfère contredire ce raisonnement : quand on veut traiter avec l’étranger pour des armes, quand on veut détruire un ennemi il faut le connaître et donc avoir une culture du système visé. Raisonnons jusqu’au bout : tout attentat se doit de cibler correctement sous peine d’être au mieux inutile au pire contreproductif. A ce compte la décision est donc prise avec la pleine conscience de la société dans laquelle le terroriste navigue et use de ses failles les plus subtiles : corruption, chantage et j’en passe, tout est bon pour véroler et briser le fonctionnement de la machine étatique. En conséquence il y a un double aspect psychologique chez ces gens : une détermination sans faille mais aussi une réflexion intense sur les méthodes employées. M’est avis que la plupart ont raisonnés des années durant avant de passer à l’action et qu’une fois le cap du premier mort passé plus aucune reculade n’est possible.

Quand on se déclare terroriste il faut qu’une idéologie soit transmise. Jusqu’à preuve du contraire la pose d’une bombe n’est jamais gratuite politiquement et savoir exprimer des idées et les transmettre (oral, écrits, médias...) nécessite un idéologue rompu à l’art de la propagande. Encore une fois impossible de s’appuyer sur des gens sans éducation car communiquer c’est avant toute chose savoir rédiger pour que le message passe au plus grand nombre. Si un groupuscule fascine plus qu’il n’effraie c’est généralement parce qu’il a trouvé le moyen de se rendre séduisant aux yeux d’une tranche précise de la population : les déçus du système. Lorsque les grandes heures d’Action directe et de la bande à Baader furent terminées leur symbolique continua bien longtemps à fleurir sous forme de tags et autres graffitis sur les murs des « bloc-hommes » destinés à entasser l’humanité dans du béton préfabriqué. La banlieue fut donc le réceptacle favorable à toute une génération de passionnés qui des années après vouent encore un culte à ces deux groupes. De fait, cela confirme une chose : psychologiquement un meneur terroriste se doit donc d’être non seulement supérieurement intelligent pour être un organisateur clairvoyant mais pardessus le marché un véritable gourou pour ameuter une foule de sympathisants plus ou moins réceptifs à ses discours.

Passons au-delà des bilans de ces groupes qui finissent majoritairement derrière les barreaux et de temps en temps sous les balles de la police. Il est intéressant de constater que nous qualifions ces groupes de terroristes du fait d’un recours à la violence bien peu en phase avec le besoin de paix de la population. Posons nous la question suivante : sommes-nous dans l’erreur ? Tous les résistants sont qualifiés par les dictatures par l’étiquette commode de « terroriste », et par ce fait ces gouvernements font le plus possible de battage pour décrédibiliser l’action directe en la traitant de barbare et sanglante. On n’a pas hésité à qualifier les résistants de meurtriers et à présenter des corps mutilés en prétendant que c’est leurs bombes qui sont les responsables... mais est-ce le cas ? A mon sens cette interrogation est essentielle car elle noterait alors une conscience collective concernant l’état de santé de la démocratie et non pas un choix de révolte. Si les Baader, Meinhof, Rouillan et Ménigon avaient agi en situation réellement dictatoriale, aurait-on fait leur procès comme nous le faisons à présent ? C’est un doute dangereux car dans l’absolu ce qui justifie le terrorisme c’est le désespoir de voir les choses changer plus que l’envie du changement. On ne saurait légitimer le meurtre comme façon de voir le progrès social car à ce jeu « Celui qui tue devient le tortionnaire. Qui tuera le nouveau tortionnaire ? »

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