05 novembre 2008

Médiatisation douteuse

Il est facile de faire d’une personnalité une légende, mais n’est-ce pas quelque chose de dangereux quand l’idéologie véhiculée par la dite icône s’avère douteuse ? On ne peut que se demander la légitimité de voir le Che arboré par des adolescents qui ne connaissent du marxisme que des documentaires à la télévision, tout comme la nécessité de se dire soutien de la Palestine en portant le foulard si reconnaissable. Ce qui m’amène à grincer des dents ce n’est pas tant le côté rebelle du boutonneux que nous sommes tous un jour, mais plutôt l’apparition coup sur coup de deux films titrant sur des personnalités très différentes mais tout aussi symboliques dans les deux cas : « Mesrine, instinct de mort » et « La bande à Baader ». Pardonnez mon incrédulité mais je n’arrive pas à me mettre dans la tête que Jacques Mesrine ou bien la fameuse fraction armée rouge furent héroïques en quoi que ce soit !

D’emblée on va me dire qu’il s’agit de films sans concession, qu’ils sont très documentés et qu’ils représentent une sorte de documentaire augmenté du frisson de la salle obscure. J’ai comme qui dirait l’avis inverse : l’objectif et le grand écran ne peuvent que faire passer le méchant pour un « pseudo » gentil et aussi connue que soit la fin pour ces deux films, dans tous les cas une bonne part des spectateurs se présenteront dans la salle sans avoir ne serait-ce qu’entendu parler autrement que par rumeurs interposées des terroristes à l’étoile rouge ou de l’ennemi public numéro un. J’aimerais vraiment qu’on ne mélange pas loisir et documentation notamment quand il s’agit de personnifier la violence des années 70. A quoi bon faire de Mesrine un héros de cinéma ? N’a-t-il pas déjà suffisamment marqué son époque de son empreinte sanglante ? Il n’a jamais été un Robin des bois, pas plus qu’un héros de la révolution en marche (bien qu’il ait un moment tenté de faire croire à ses engagements marxistes). La politique s’accommode que trop facilement avec des ingrédients tels que le meurtre et le vol car l’on peut toujours prétendre agir « pour la cause », mais quelle cause… Non, rien que cela me rend dubitatif sur la nécessité de faire de tels films.

Alors, censurer ? Absolument pas, ce n’est pas cela qui me titille. Je pense que ces deux films peuvent avoir de grandes qualités, c’est avant toute chose une inquiétude concernant un public potentiellement perméable à des idéologies et des actions qui sont non seulement violentes mais hélas inutiles. La bande à Baader se disait d’extrême gauche et voyait dans sa lute une manière radicale de faire la révolution. Agitation, destruction, exécution de dignitaires, nul doute qu’ils furent dans la droite lignée de leurs idéaux. On murmure même que l’ex RDA fut souvent une terre de repli et d’assistance pour eux, mais au fond que furent-ils si ce n’est que des pions entre les mains des larbins d’Honecker… Les révolutions se forgent quand elles sont populaires, pas quand elles provoquent terreur et paranoïa chez les gens que la dite révolution est justement supposée libérer ! De là il y a le fond : Mesrine le criminel médiatique, fantasque et mort brutalement, de l’autre une bande d’étudiants et de cerveaux (Meinhof était journaliste et très cultivée). Les deux images mises ensemble on a tout des héros d’une révolution aujourd’hui oubliée : anarchie contre un système assoupi et une nécessité de reconnaissance face au silence des médias sur la foule ordinaire. Sur le fond les idées de la fraction armée rouge sont-elles si mauvaises ? Difficile à dire tant le fond fut détruit par la forme radicale de l’action. J’ai donc plus peur que ces films deviennent non pas des œuvres de cinéma mais des supports de propagande comme cela arrive trop souvent.

N’oublions pas les victimes autant que les bourreaux clame la mémoire, et celle populaire se contente souvent de clichés faciles à digérer. On a fait un film sur Spaggiari en romançant probablement plus qu’en décrivant sa vie, j’ai crainte qu’on ne résume un peu facilement l’existence souterraine du groupuscule d’extrême gauche tout comme que l’on mette un peu trop en lumière les « bons » côtés de Jacques Mesrine. Je n’ai pas vocation à juger leurs actes les acteurs de ces évènements sont morts alors que j’étais bambin voire même pas au programme. Ce que je désire simplement c’est que « Instinct de mort » par Jacques Mesrine ne devienne pas un livre de chevet pour une jeunesse révoltée prête à imiter ses prédécesseurs…

Tenez, regardez, Peter-Jürgen Boock, c’est un ancien membre de la dite fraction armée rouge. Méditez surtout sur ses derniers propos.



La fraction armée rouge sur Wikipedia
Jacques Mesrine sur Wikipedia

J'allais oublier: mes félicitations Mr Obama, la révolution serait-elle en marche aux USA? Soyons cyniques: vous ferez comme les autres présidents, n'est-ce pas?

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