04 avril 2008

Je ne mange pas de ce pain là !

Ah le pain, cette addition de farine, d’eau et de quelques petites autres choses qui en font le morceau indissociable tant de l’histoire de France que du repas traditionnel. Vital pour la société, il a été l’aliment de base des années durant avant que le commerce et l’industrialisation de l’agriculture permettent que la viande soit présente à chaque tablée. De toutes les formes, à toutes les cuissons, agrémenté d’épices ou de fruits, le pain est toujours symbolique d’une pause, de l’indispensable nourriture partagée. On rompt le pain pour en donner une part à chacun, chez les chrétiens on le marque d’une croix en signe de remerciement à Dieu, chez les arabes il fait partie de l’alimentation traditionnelle, bref le pain est partout !

Qui ne s’est pas senti saliver à l’odeur incroyable des fournils du boulanger au petit matin frileux d’un hiver rigoureux ? Qui n’a pas dévoré sa part de baguette juste par gourmandise tant son inimitable tiédeur était irrésistible ? J’avoue, le pain est à mes yeux autant un galant accompagnateur des plats en sauces que la fine pâtisserie que je dégustais étant enfant. Ah, ce pain au maïs à la dorure si particulière, à la mie si compacte… Que de tranches j’ai pu manger en lieu et place d’un biscuit ! Parlez moi de pain je vous parlerai des baguettes chaudes serrées entre mes bras pour les ramener à la maison, parlez moi de mie je vous expliquerai les marches avec la miche d’un kilo serrée contre mon cœur pour me délecter de son parfum, parlez moi de croûte je sourirai en mémoire de ces tunnels creusés par mon frère au cœur des baguettes, au grand dam de mes parents. Souvenirs d’enfance, attente dans la queue à saliver face aux spécialités aux noix, à la farine de froment, le pain complet, le bâtard, le fameux « pain »… et puis cette monnaie qui tintait pour pouvoir être dépensée en réglisses et carambars, comment vous dire, c’est une part de passé qui m’est indispensable tant elle m’est agréable.

Le pain, je le ressens aussi comme une histoire, des propos de parents qui expliquent quelle en était l’importance à table, comment l’on faisait pour l’économiser et le consommer jusqu’à la dernière miche. Que de pain perdu mon père a pu manger étant enfant ! Il dit souvent que le pain se respecte car il lui a apporté nourriture et réconfort quand la viande et même le lait se faisait rare à table. C’était la première dépense : le pain, la miche de campagne dorée à point qui devait faire la semaine et qu’on enveloppait avec soin dans un torchon pour qu’il ne sèche pas trop vite. Recyclé à l’envi, servant une fois trop sec de panure, jamais l’on ne gâchait ce précieux aliment. La religion catholique parle de la multiplication du pain et de l’eau changée en vin… c’est un signe, un symbole fort qu’aujourd’hui l’on a un peu tendance à oublier. Dans une société où le gâchis est élevé au rang de mode de vie, cette pauvre miche un peu rude finit souvent sa course dans la poubelle au lieu d’être l’amie des moineaux. Après tout, le cycle naturel est que toute chose qu’un maillon de la chaîne alimentaire ne consomme pas le sera par un autre maillon plus bas…

Il me suffit de fermer les yeux pour que mes narines frémissent, pour que je sente ce petit matin, quand tout le monde dort encore ou presque, à attendre que le premier bus daigne arriver. La chaussure bat le bitume pour que les doigts restent chauds on se réchauffe les mains dans les poches… et là à proximité une fumée blanche, épars brouillard se diffusant depuis le sol m’apporte les senteurs du four qui s’active pour la première cuisson. Il est là, arpentant la pièce armé d’une pelle démesurée, glissant pâtons divers dans la masse chaleureuse du four. Je m’approche, renifle, goûte du nez les boules en les imaginant déjà cuites et prêtes à être mordues à pleines dents. Voilà ce qu’est le pain, le réconfort alors que l’envie d’aller travailler se fait manquante à l’appel, que la journée s’annonce morne et monotone, et qu’au final l’on monte dans l’autobus avec le sourire aux lèvres.

La langue, elle aussi s’est emparée du pain pour qu’on n’en oublie jamais l’importance… réfléchissez, souvenez vous de toutes ces expressions dont on se sert et auxquelles l’on ne songe qu’au moment opportun. « Enlever le pain de la bouche », « c’est du pain béni » et j’en passe. Tous nous aimons alors le pain, que nous en mangions, que nous le cuisinions, ou que nous l’achetions pour les autres. Il en va ainsi depuis des millénaires, les boulangers sont signe de vie dans un village, ils sont la preuve que le pain est une chose autour de laquelle il y a consensus. Vous connaissez des gens qui n’aiment pas au moins une sorte de pain ? Pas moi en tout cas…

Et que dire de ces moments partagés à casser la croûte, à remplir une baguette ou un bagnat avec ce qui reste dans le réfrigérateur, ces pique-niques où l’on brise le pain à la main pour le tendre à ses amis. Un bon appétit, des rires, un verre de vin et voilà que le bonheur est dans le pain, dans le pré pardon. Pain je t’adore !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Via ton article , tu redonnes cette envie du pain , cette envie qui nous titille les narines....l'estomac en s'imaginant une bonne baguette encore tiède... et oui qui n'a jamais pioché dans la baguette en rentrant de chez la boulangère ??! la baguette sous la main...