28 mars 2008

Ca y est je suis un vieux con

N’étant pas d’âge canonique, j’ai pourtant la désagréable impression d’être une de ces reliques que les « jeunes » observent avec commisération et inquiétude, comme si toute parole émanant de mes lèvres pourrait rapidement leur être défavorable. Ne me sentant pas spécialement adepte d’un jeunisme à la mode, j’ajoute au surplus que mes propos ne visent que rarement la proportion d’adolescents boutonneuse de notre population pour le simple égard que je leur dois. Moi aussi je fus un avorton braillard et revendicatif, moi aussi j’ai arboré avec complaisance l’anarchisme de circonstance aux manifestations saugrenues de fausse virilité estudiantine. Ah la première cuite vécue par mes camarades, les premiers émois érotiques, les premiers slows langoureux avec des filles aux prénoms perdus dans les limbes de mes neurones carbonisés… tout ceci pourrait faire croire à une certaine nostalgie, mais il n’en est rien : je ne suis pas un nostalgique du lycée pas plus qu’un poilu n’a jamais fait acte de nostalgie concernant la canonnade à Verdun.

L’adolescence est cette étape pathétique où le corps se transforme pour rejoindre l’inévitable pourriture de l’âge, mais c’est aussi et avant tout les moments où la conscience de soi s’éveille au détriment de la conscience du groupe. L’égoïsme naît quand l’enfance meurt, et les plus grands égocentriques sont finalement les adultes contrairement à ce qu’ils affirment. Oui l’enfant et l’ado cherchent la reconnaissance et l’identification du soi en rendant dingues leurs aînés, mais c’est dans l’objectif salvateur d’être pris au sérieux et non d’obtenir une compensation à leur état de non décideurs. Pourquoi ne suis-je alors pas pour le jeunisme ? Tout simplement parce que la jeunesse a le terrible handicap de s’accompagner d’une bêtise sans borne nommée « idéal ». Ils rêvent les imbéciles, ils fomentent un avenir radieux alors que nous autres, adultes accomplis dans notre besogneux devoir de produire, nous bâtissons des gouvernements et des armes en nombre suffisant pour nous mettre à la rôtissoire de l’enfer nucléaire. Jeunes de tous les pays, pacifistes et autres écolos aux idées neuves, ne vous inquiétez pas de votre différend moral avec les vieux, vous y viendrez tous comme on vient tôt ou tard à l’aspirine pour s’éviter un devoir conjugal. C’est ainsi : vous vieillissez et les cyniques comme moi se marrent à l’idée de vous sentir dépités dans vos espérances.

Je suis donc cruel ? Hélas je suis un pragmatique forcené. Le rêve est magnifique quand celui-ci ne s’orne pas des tambours et trompettes de l’illusion, car à mon sens il faut distinguer le fantasme du lucide, notamment pour ce qui est de la politique. La raison du plus fort ? C’est nécessairement la meilleure sinon pourquoi fait-on des armées ? De l’expérience naît la sagesse ? Bien entendu que la sagesse est le résultat abâtardi d’un accouchement au forceps de nos erreurs passées, sinon que ferait-on si ce n’est répéter nos conneries jusqu’à plus soif ? Les slogans, aphorismes et autres flatteries intellectuelles ne valent que si ceux-ci subissent l’épreuve pyromane du feu de l’expérience, et dans bien des cas l’expérience n’est que le signe d’une bourde monumentale. A ce propos, je suis hilare à l’idée que les « jeunes » puissent croire que toute évolution scientifique soit le fruit de recherches précises et méthodiques. La pénicilline n’est que le produit d’un éternuement hasardeux, la science du nucléaire de l’exposition des Curie à la radiation jusqu’à la mort, et puis pardessus tout la science fait si souvent des erreurs menant à des réussites qu’il y a de quoi douter sur les principes fondamentaux de la recherche… Bref, l’espoir d’un monde fait d’intelligence et de constructivisme n’est et ne sera bon qu’à finir que dans des essais philosophiques de lycéens torturés par le baccalauréat.

Oh toi jeunesse qui s’enfuit aussi vite qu’un braqueur de banque avec la police aux miches, n’es-tu donc qu’une garce, une maîtresse malsaine qui nous pousse à faire les malins pour ensuite nous coller au mitard de l’âge qui avance ? Tu es pourtant séduisante avec tes filles trop belles, tes expériences trop essentielles pour être ignorées, et puis au bout du compte tes souvenirs qu’on se doit de chérir pour pouvoir en parler à notre descendance… c’est étrange comme j’ai peu de ces souvenirs dont on se targue avec un rien d’orgueil. Au sanctuaire des moments inoubliables on se doit (apparemment) de mettre en exergue la première expérience sexuelle ainsi que l’inévitable premier baiser. Mouais, je suis comme qui dirait dubitatif… c’est dingue l’idolâtre attitude que l’on a vis-à-vis de notre maladresse, alors que l’autre, en face, ne fut pas aussi marquée par la première étreinte. Décevante constatation qu’on a plus de facilité à dire « première fois = très bonne fois » alors qu’il serait plus important de dire « Pour toujours = une vraie bonne Vie ». J’admets évidemment qu’on puisse repousser cette fidélité désuète mais qui me tient à cœur, mais c’est sûrement mon côté vieux con qui ressort.

Comment ça je suis déjà un vieux con ? Oui c’est vrai que tenter de communiquer avec un de ces iroquois aux tympans décomposés par une pseudo musique m’est aussi facile que la discussion entre un hérisson et les pneus d’une camionnette… Enfin bon, promis j’essaierai un de ces jours !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'ai 38 ans et en pleine forme. Eternelle solitaire mélancolique non-identifiée. Je suis pourtant pleine d'espoir encore et j'espère toujours car avance t-on sans espoir? J'ai bien aimé lire le message ou monologue "Ca y est je suis un vieux con". C'est vrai quoi à la fin!