06 mars 2008

Autodérision

Derrière ce mot se cache une part essentielle de l’intelligence humaine, du moins je le crois fermement. Contrairement à ce que supposent trop de gens, savoir rire de soi représente un effort difficile, notamment quand il s’agit de le faire publiquement. Avez-vous assez de bon sens pour savoir dire « j’ai été un idiot » ? L’orgueil s’oppose massivement à un tel raisonnement et qui plus est il fait en sorte que l’on s’autorise à se moquer de soi… volontairement.

Démarche cynique ou démarche humaine ? La question se pose souvent parce qu’en un sens l’autodérision attire la sympathie plus que les rires méchants. Prenez un comique par exemple : on rit non pas de lui mais avec lui, même si son sketch est basé sur la dérision du personnage. Il ne sert donc que de personnification de la bêtise humaine ou de l’incontinence intellectuelle de ceux qui nous entourent. Pourtant, au lieu de croire qu’il n’y qu’un but salutaire de rire de tout et surtout de nous-mêmes, on pourrait déceler dans le procédé une pointe acide de cynisme où le spectateur devient moqueur à ses dépends, transférant donc la dérision du drôle vers ceux qui rient. Toute la finesse de rire de soi est alors d’inviter l’autre à se sentir encore plus idiot qu’il ne l’est en réalité. C’est plus ou moins visible selon celui qui use de ce procédé retors, mais à ce compte je puis affirmer que majoritairement nous sommes donc tous des arnaqués entre les mains de voleurs de rire fort habiles.

Prenons mon exemple (est-ce un bon exemple ?) : je me moque de mes tics, de mes emportements souvent exagérés sur des sujets dont l’immense majorité de la planète se fout, et pourtant j’amène le lecteur à ne plus rire de moi mais en ma compagnie, tels deux alcooliques se moquant du présent, assis en première ligne face à la ville qui se délite. Raisonnement fallacieux qu’est de croire qu’on peut se détacher de tout, je me détache pourtant avec aisance de la conscience collective bien formatée qui se prétend raisonnable tout en prônant la bêtise. Si ça ce n’est pas prétentieux qu’est-ce donc ! On va rire de cette dernière phrase, mais à mes dépends, ou pas ? Allez savoir.

En reprenant le large avec l’unitaire, je me rends compte que j’aime cette attitude ironique que prend celui qui a l’intelligence de percevoir ses tares et de s’en moquer vertement. Que j’aime celui ou celle qui sait prendre du recul avec le quotidien et dédramatiser les évènements les plus durs. Rire du cancer, de la maladie en général, savoir rebondir malgré les drames de la Vie, cela vaut en soi un bravo appuyé. Dire qu’on applaudit trois idiots déguisés à l’aide de survêtements argentés et braillant des « chansons » débiles… on peut alors leur prendre sans complexe une part de ces félicitations pour les remettre à qui de droit, à ceux qui savent ce que nous valons réellement et ainsi les féliciter d’être entiers et honnêtes. L’égo méprise l’autodérision car c’est une façon détournée de lui donner une place plus congrue que celle qu’il désire prendre et c’est en soi quelque chose digne d’une Nadia Comaneci verbale que de s’exercer à la moquerie sur soi.

Des grands noms de l’autodérision ? Ah ça, les citer seraient difficiles tant la liste pourrait s’allonger au fur et à mesure des générations mais typiquement Gainsbourg, Jean Pierre Marielle, Pierre Desproges, Charlie Chaplin… Difficile de ne pas trouver des points communs entre ces personnages qui se moquaient de l’humanité à travers des personnages campés avec conviction. La relative bêtise du Charlot est si attendrissante que l’on finit par reprocher aux êtres ordinaires de ne pas être plus simplets, du moins aussi simplets et sincèrement gentils que lui. Est-ce que le pouvoir et la politique interdisent de telles attitudes ? La crédibilité dépend énormément du ton employé et de la gestuelle, ce qui rend par conséquent difficile de se tourner soi-même en ridicule. Pourtant, j’ai été sidéré de voir la vidéo ci-dessous (à voir pour les anglophones, sinon très compréhensible par chacun sans saisir tout le texte). Bill Gates, l’homme le plus riche du monde (jusqu’à l’année dernière, apparemment il aurait été détrôné… enfin bon là n’est pas la question) quitte ses fonctions de l’omnipotente société Microsoft. Souvent décrié, dénigré et attaqué sur sa façon de faire du commerce, le personnage a le mérite d’ironiser sur sa propre retraite. Voyez plutôt :


Franchement, si ce type n’apparaît pas sympathique malgré tout… moi j’ai adoré ce dernier coup médiatique. Tout calculé qu’il est, ce geste reste à mon sens une preuve d’extrême intelligence avec comme discours de fond « Mauvais, peut-être, méchant, allez savoir, mais sans humour sûrement pas ! ».

Merci M.Gates

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Simplement une opinion à exprimer sur Bill Gates. J'adore ce type. Pour deux raisons et une troisième qui en découle. La première est qu'il a révolutionné son domaine. Bien ou pas, il l'a fait. Et il n'y a que ceux qui ne foutent rien qui ne se trompent pas et qui se préservent le droit de dénigrer. Gates a saisi le Temps dans lequel il vit et a imprimé sa vision au monde. Bien des conquérants depuis Alexandre le Grand ont ce rêve. Lui l'a vêcu.
Deuxième raison, dans l'action de cette industrie de l'informatique qu'il a révolutionné, il a montré aussi de manière flagrante la faiblesse de nos pensées de Monde occidental (USA et Vieille Europe comprises). Si le virtuel est l'anti-thèse de l'imaginaire et du rêve; ses systèmes Windows; plateformes par excellence des utilisateurs moyens; ont démontré ces dernières années combien le "citoyen de base" est tourné vers son abêtissement, sa déchéance humaine... Révélateur et suite logique d'autres arts depuis le début du XX siècle.
Enfin, la troisième raison: Merci Monsieur Gates de m'avoir fait aimer le GNU et les autres modes de pensées que celui que votre troupeau d'adorateurs (et/ou d'utilisateurs) affectionnent.