11 février 2008

Méchanceté gratuite

Qu’on me permette de procéder à une mise au point ce soir. Oui, il m’arrive en effet d’écorcher les visages les plus affichés de France et parfois même du monde, et parfois même de tenter par ce procédé de me faire la réputation d’un chroniqueur compétent et acéré. Pourtant, je me sens obligé de préciser qu’il ne s’agit absolument pas d’une tentative désespérée de faire réagir la masse alanguie devant son téléviseur ni de la faire tressaillir d’inquiétude face aux soubresauts politiques ayant des relents de fascisme, non c’est juste que, en fait…je suis méchant par nature. Et oui, tout comme l’homme est un loup pour l’homme (c’est pas moi qui l’ait dit le premier !) je suis un râleur obnubilé par ma propre cruauté gratuite envers les grands de ce monde que je jalouse. C’est honteux, petit et bas, mais que voulez-vous, j’adore avoir l’air important en ouvrant plus facilement ma gueule qu’une bigote ouvre sa bourse le dimanche matin pendant la première messe.

Quand je dis qu’un président n’a pas à vendre ses miches pour avoir l’air utile à la nation, c’est juste que je suis dépité de ne pas me voir étalé en pleine page sur les couvertures imbéciles des magazines sans contenu. C’est déprimant, l’anonymat. J’ai un mal de chien à me résoudre qu’au lieu d’avoir une audience de quelques millions d’abrutis sans opinion je n’ai guère qu’une cinquantaine d’illuminés amusés et peut-être courroucés par ma prose surfaite. En tout état de cause, je suis donc foncièrement jaloux de cette réussite qui offre à des génies comme BHL, Poivre d’Arvor ou Arthur des tribunes toutes acquises à leurs envies les plus facétieuses. C’est séduisant, le pouvoir des mots ! C’est si vrai que j’en viendrais presque à supplier séance tenante le plus petit des rédacteurs de TF1 de m’offrir un poste de gratte papier au fin fond d’une rédaction poussiéreuse et glauque.

Méchant ! C’est si simple de l’être après tout ! Le moindre relief de personnalité qui s’offre à ma verve cruelle suffit amplement à broder une diatribe qui me tient lieu d’opinion. Quand j’ai eu envie de saluer avec chaleur les compétences des dictatures européennes, ce n’est certes pas par antisémitisme ou par acquisition à des opinions qu’on pourrait un peu hâtivement taxer de nazisme, non c’est juste qu’il est de bon ton quand on a une grande gueule méchante de faire partie des minorités aux idées déviantes de manière à s’assurer l’opprobre du plus grand nombre et ainsi jouer les intellectuels incompris. N’allez pas penser qu’il y a une difficulté à tenir des propos intenables, à défendre des thèses aussi sordides soient-elles… Au contraire, il suffit justement de dire une saloperie pour devenir une véritable vedette ! Prenons Le Pen (avec des pincettes) : c’est l’exemple même du type qui est méchant parce que ça rapporte. Grâce à ses enseignements je suis aujourd’hui capable de m’attirer en trois lignes la haine éternelle de tous les organes de presse et de défense « de la veuve et de l’orphelin ».

Oh il est vrai qu’il existe des zones et des thèmes où la méchanceté est accueillie avec une certaine froideur. C’est en effet avec circonspection qu’on écoute celui qui, au détour d’un propos et d’une analyse amusée trouve le moyen d’ironiser sur le sort de certains enfants. Ca, les gosses, il ne faut pas toucher sous peine d’être immédiatement étiqueté pourriture. Quoique, ce classement vaut bien quelques sacrifices car dans la méchanceté celle gratuite est probablement la plus payante. Quand j’affirme qu’un chien a plus d’espérance de vie en Europe qu’un nourrisson en Afrique, suis-je loin de la réalité, ou est-ce le contrepoint entre un corniaud et un marmot qui dérange ? Je veux bien reconnaître une certaine cruauté mais les chiffres sont éloquents à ce propos. Enfin bon, cela a le mérite de faire remuer les lèvres des plus muets et de pousser à revendiquer un humanisme de défroqué aux autres.

J’enjoins rarement les gens à prendre fait et cause pour moi car cela serait alors pris pour une revendication et pour du militantisme. Grossière erreur ! J’estime au contraire être parmi les moins engagés qui soit. Ce qui se passe ailleurs ? Je m’en cogne totalement tant il est vrai qu’une bombe à Jérusalem ne bousillera pas mes fenêtres et qu’une mine posée dans le jardin d’un Irakien ne me causera pas la moindre blessure. Touriste politique, je vadrouille alors entre les opinions comme un parasite d’un clebs à un autre (tiens encore des chiens…)

Maintenant petit jeu : relisez le texte en inversant le sens de toutes les phrases me concernant.

Aucun commentaire: