03 décembre 2007

Architecture atmosphérique

La grande plaisanterie des mégapoles modernes est de prétendre intégrer l’humain (sous-entendu le bétail que nous sommes) en son sein de béton et de verre, le tout dans une atmosphère capable de nous fournir une ambiance heureuse et même chaleureuse. D’après certains il existerait même un emploi nommé « urbaniste » qui a pour vocation de réussir l’union entre la chair et la matière inorganique des tours et de l’asphalte. Ayant pris mes fonctions ce matin dans des locaux aussi accueillants qu’une porte d’acier estampillée « Arbeit macht frei », en toute franchise j’aimerais clouer au pilori l’ahuri d’architecte responsable de cette incurie : tour de verre sombre aux flancs lisses, intérieur hésitant entre les enfilades de couloirs uniformes et aux entrelacements de voies de circulation sans sémaphores, ma première impression fut de me croire dans un roman de Kafka, mélange incohérent entre réalité professionnelle, déshumanisation par l’habitat et absurdité des situations. Quoi d’intelligent dans un contrôle systématique… mais parfaitement en panne ? Ubuesque jusqu’au point de non retour vu qu’on pousse le vice jusqu’à donner des mots de passes temporaires pour toute chose, identifications qu’on s’empresse de supprimer à la première occasion. Allez comprendre…

Ah, mais là je sens qu’on va me reprocher d’avoir accepté le changement, qu’on va dire que je critique gratuitement et que ma fatuité n’est que la conséquence d’une mauvaise volonté ! Hélas, si c’était si simple ! J’estime que construire est une maladie chez l’homme, notamment quand il s’agit de rechercher la hauteur tout en favorisant l’entassement des personnes dans des pièces exiguës. Non que je ne sois pas satisfait de mon équipement ou de mon fauteuil, pour tout dire c’est même le meilleur fauteuil de ma carrière, mais au bout du compte pour tout point de vue depuis la dite tour de verre je n’ai en vis-à-vis… qu’une autre tour de verre tout aussi sinistre. Il y a maldonne là ! On ne perche pas les gens pour leur faire croire qu’ils travaillent dans des caves, ou alors grimper dans l’immeuble sous-entendrait une chute hiérarchique. Il y a de quoi s’y perdre.

Un peu de pragmatisme, allons voir ce que les « locaux » appellent avec complaisance l’esplanade : Dalle de béton informe ornée de sculptures hésitant entre l’accumulation de ruines et le dépotoir régional, le dit point de vue mène implacablement sur d’autres immeubles, d’autres locaux tout aussi glacés et improbables que celui qui devient mien aujourd’hui. Grognement de frustration excepté, j’avoue m’être esclaffé avec cynisme en constatant que nos fenêtres peuvent s’ouvrir, pas celles des locaux un peu plus loin. Maigre consolation n’est-il pas ? Après tout on ne me demande pas de vivre dans cette chose mais juste d’y travailler… Bon, faisons donc ce que l’on peut me demander, mais apparemment travailler serait tout aussi tabou que l’embellissement de la rue à l’aide de pots emplis… de terre.

Quand je songe à ce que des visionnaires de la truelle ont réussi ici je comprends mieux le désastre de l’architecture Soviétique qui a su ajouter au mauvais goût le côté « utilitaire » du bunker aux locaux administratifs : vastes pavés de béton armé orné de meurtrières, ambiance gris sale pour toute perspective, la volière élevée au rang de chef-d’œuvre aussi imposant qu’immonde. On a souvent taxé les bariolages pastel des artistes d’inepties, à tout choisir je crois qu’il aurait été plus drôle d’entrer dans une de ces peintures quitte à y perdre en fonctionnalité. C’est probablement une pure question de goût personnel : un lieu infect aussi propre soit-il ne fera jamais un bon endroit pour y passer du temps !

Finalement remercions la divine providence qui a donné des idées intelligentes à certains comme interdire de raser les vieilles bâtisses et préserver un patrimoine comme les bâtiments du temps d’Haussmann, en sachant que lui-même avait rasé Paris pour le reconstruire de toute pièce. Qui est le sauvage finalement ? Pour ma part je préconise de raser ces immeubles pour replanter des arbres, puis d’interdire scrupuleusement l’emploi de dalles gigantesques de béton en lieu et place d’aires en pelouse. Et dire qu’on peut faire de belles choses quand on veut...

Bon ! D’accord je n’ai pas d’exemple concret là, vous me faites… !!!

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Une fonction essentielle de l'art est de donner une dimmension faite d'infini a nos vies ... quand l'art est absent çà donne ces tours immondes faites de froideur ... les gens s'attristent, deviennent faibles, plus maleables par un pouvoir egoiste et en fin de compte, peu évolué ...