12 novembre 2007

La sortie c’est par là.

Bien souvent le départ pour le « dernier voyage » est une chose mal planifiée, imprévue même qui vous tombe dessus comme tomberait un orage au milieu d’un désert. Aussi difficile à croire que cela puisse paraître, il existe pourtant des méthodes et des idées simples pour se prémunir et surtout protéger ses proches de la tristesse et de la morosité qu’engendre une disparition. Bon là, certains vont aller croire que je prépare une publicité pour une société de pompes funèbres quelconque mais il n’en est rien, ces conseils (si j’ose dire) sont plus à mettre entre les mains de ceux qui ont un certain sens de la dérision et du sens de l’humour. Hélas, ce n’est pas donné à tout le monde.

Traditionnellement on envisage la mort avec un enterrement ou une mise en cendrier, pardon une crémation, le tout enrubanné de noir et de fleurs en couronnes. La tradition veut que tous se recueillent sur un bout de marbre, qu’on aille de la petite larme triste et douloureuse, et même les plus hypocrites pousseront le vice jusqu’à plaindre les proches et élever au rang de héros le défunt. Pourtant, pourquoi se lamenter ? Observez donc la bobine satisfaite de la crapule qui vient de partir avec l’héritage offert à des œuvres inconnues et surtout avec la satisfaction personnelle d’entuber les charognards attendant de se disputer le magot, le tout dans le bureau feutré d’un notaire. Et oui : la mort peut être vicelarde car elle emporte avec humour le précautionneux, celui qui aura pris soin de vous laisser un souvenir « mémorable ».

Dans un premier temps il faut savoir sortir en beauté. Autant le dire tout de suite le costume noir est suranné, égayez la situation ! Dans le rayon des ironiques on peut trouver un vêtement associé au décès lui-même : une blouse pour un cancéreux, un bleu de travail après une chute de parpaings fatale, et franchement rigolo la nudité pour l’accident de baignoire. Evidemment, il faut alors se trouver des complices suffisamment tordus pour oser, mais disons le d’emblée, l’effet sera « choc » ! Les nostalgiques pourront eux aussi s’exprimer par le vêtement : uniforme interdit pour les uns, costume orange fluo avec col pelle à tarte, ou bien encore jean basket de l’adolescence, tout est envisageable, dans la limite de trouver la taille correspondante. Les dictateurs ont souvent demandés la mise en terre en grande tenue de maréchal auto proclamé, des illuminés ayant la foi dans le vêtement du pénitent. Fantaisies ? Non ! Choix de vie et donc revendication lors de la mort !

Après, la décision cornélienne de la mise en boîte de sapin ou de céramique dépend de chacun. Le marbre de la stèle offre le luxe d’un texte ou d’images finement ciselées, et surtout assure une pérennité à la plaisanterie du défunt. Je conseille les classiques « Quand je vous disais que j’allais pas bien ! » « Il fait super humide là-dessous » et le sublime « Quand je vois la place que je prends ici, je me demande comme j’ai pu payer le loyer d’un 100m² pour rien ». Certes, trouver un graveur suffisamment gonflé doit être problématique mais dans l’absolu c’est vous qui payez, donc c’est vous qui voyez ! Question images soyez plus prudents : il serait dommage de placer une photo d’une femme qu’on aime et de se faire enterrer sous les yeux d’une autre, le divorce ayant pris sa place entre la gravure et l’enterrement.
Les amateurs de la flamme eux seront ravis de savoir qu’il est officiellement interdit de vider le contenu d’une urne, le bocal étant une sépulture à part entière. Demandez donc à votre femme de ménage se passer l’aspirateur, vous ferez passer ça sous le coup du malencontreux accident de nettoyage. L’humour sera placé sur le testament lui-même en exigeant par exemple de faire déverser vos restes sur le rosier préféré de la belle-mère ou plus subtil de faire utiliser le bocal comme cendrier pour la famille. Je doute qu’on osera s’en servir, mais reconnaissez que trôner dans le salon pour emmerder ces sales gosses avides de fortune facile a un goût tout particulier…

Poussons le vice : ajoutez ce qui vous vient à l’esprit ! L’orchestre peut jouer ce que l’on désire, et il va sans dire que c’est ce qu’on appelle « partir en fanfare ». Evitez les classiques Te Deum et Requiem, ils sont bien trop proches de l’esprit funéraire que justement nous tentons de dépoussiérer. Après tout, un petit « A, à la queue leu-leu » ou le standard « Maréchal… »… bon pour le dernier ça peut être mal interprété, mais finalement, n’est-ce pas là le souhait final, déranger et faire rire ceux qui savaient rire avec et parfois de vous ?

J’oubliais le meilleur : quitte à faire un pied de nez à la Mort rigolarde et aux héritiers affamés, préparez donc l’entrée du notaire juste au moment des grosses larmes de crocodile pour qu’il déclare à la fermeture du tombeau :

« Vous l’avez dans l’os les vautours, j’ai tout filé à la Croix rouge ! »

Qu’on se le dise, il faut rire avec et de la Mort pour l’aborder avec sérénité. Pour ma part j’ai déjà préparé mon épitaphe :

« Je vous assure, même moi qui était coriace j’avais déjà un pied dans la tombe à ma naissance. »

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