20 novembre 2007

Bousculade et haine ordinaire.

Dix milles années d’Histoire de l’Homme, des civilisations qui ont découvertes le fer, les alliages, la poudre, exploitées l’atome et mises au point l’automobile et le tamagotchi, tout ça pour finir par s’entredéchirer et de cogner dessus à grands coups de sacs dans le métro, c’est là une belle démonstration de notre évolution. Sans rire, regarder les images de ces derniers jours avec les grèves des transports en commun ont de quoi laisser perplexe sur la nature humaine. Les forts piétinant les faibles, les râleurs prenant l’ascendant sur les placides, tout est bon pour s’arroger le droit de passer le premier. On va me dire que l’obligation de se rendre au travail impose la prise de risque ainsi qu’une certaine forme d’agressivité tant la lassitude et l’énervement usent les nerfs, mais à mon sens rien n’impose à l’Homme d’être con et vulgaire… à part bien entendu lui-même.

L’observation des mouvements de foule est une véritable science, car aujourd’hui la connaissance des flux de personnes à travers des équipements publics est devenue indispensable. Depuis les stations de chemin de fer en passant par des lieux de culte, chaque endroit est analysé de manière à rendre la circulation la plus fluide possible. Par exemple il faut savoir que l’enceinte de la Mecque en Arabie Saoudite a été réaménagée pour limiter et canaliser les paniques fréquentes lors des pèlerinages. Certes, le béton, le fer et les panneaux circonscrivent un peu le bétail, mais au bout du compte sa connerie unitaire fait de ce monstre qu’est la foule une bestiole stupide en diable. Pourtant, rien n’est supposé nous prédisposer à l’idiotie car individuellement les questions telles que « bougeriez vous sous le coup de la panique ? » ou bien « hurlez vous dans la foule ? » voient comme réponse « Non » et ce avec une parfaite invariabilité. Je pouffe, pire encore je me moque car ces bons sentiments se voient toujours démentis par les faits. Emeutes incompréhensibles, blessés piétinés par leurs voisins et même leurs amis, dégradations de toute sorte, les bilans sont systématiquement peu flatteurs pour notre bonne race humaine.

Allons regarder les automobilistes : qu’on m’explique ce qui provoque tant de haine dans le fait de saisir un cerceau métallique gainé de caoutchouc car ça me laisse rêveur. Le crétin qui se prend pour un « pilote » et qui emboutit son voisin en décrétant qu’il est innocent, l’ahuri insultant chaque voiture qui a le malheur d’aller plus vite que lui, ainsi que la gourde qui croit que le marquage au sol est décoratif, il y a de quoi dire et de quoi faire peur. Les bouchons sont actuellement ma bête noire tant je suis obligé de les subir, et pourtant j’espère et je tente à tout prix de rester calme et courtois. Hurler ? Sur qui ? Sur le con qui suppose qu’il a toute latitude d’emmerder ses congénères ? A quoi bon, j’ai autre chose à faire que perdre ma salive en vaines affirmations sur sa sexualité ou sur le tempérament volage de son ascendance, et puis globalement je laisse aux autres le soin de jouer avec la vie d’autrui (gruik). Ah, ces moments de pure hilarité à voir deux idiots se disputer le droit de passage, s’écorner les voitures puis en venir aux mains ! Ce petit moment de béatitude quand ils se rendent compte qu’ils sont aussi idiots l’un que l’autre ! Et puis que dire de ces regards hagards qui scrutent la tôle froissée en vain, alors que la courtoisie aurait évité un tel désastre ! Sérieusement, je crois que je suis mieux à les laisser faire, je ne boxe pas dans la catégorie des idiots poids lourds.

En ce moment toutes les catégories se fendent d’une revendication, une grève et de la distribution de sanctions par l’inactivité. Le travailleur bloqué par le train, l’immigré dans l’incapacité de refaire son titre de séjour vu que la préfecture est en grève, il y a de quoi se poser des questions sur la finalité de ces mouvements. On entend parler de pouvoir d’achat, de revalorisation de salaires, mais petite question vicieuse à tous et à toutes : croyez-vous que, ces cons de salariés du secteur privé, peuvent prétendre à ce genre de réévaluations ? Les bas salaires, ont-ils vu une vraie remise en cause de leur précarité ? Je vois d’ici la réponse du « on réévalue le SMIG » oui chouette, comme si cela pouvait compenser une vie urbaine délicate, l’habitat fait de cités dortoirs ainsi que d’emplois peu valorisants… qu’ils échangent avec ceux qui chaque matin se lèvent pour mettre en rayon les marchandises qu’ils consomment, montent leurs voitures ou mieux encore balaient leurs rues. Quand un éboueur est en grève on gueule parce que la rue est devenue sale, mais quand un collègue met en situation précaire des salariés sur la sellette ça nul n’y verra un inconvénient. Enfin bref, il y a de quoi bousculer les manifestants et devenir au moins aussi haineux à leur encontre qu’ils sont irrespectueux de leurs usagers.

Petit aparté au sujet : quand on me parle de pénibilité du travail, j’aimerais bien qu’un jour on reconnaisse la difficulté des métiers tels que pompiers, policiers ou bien infirmière urgentiste. Rien n’est fait pour assurer une continuité et un recrutement valable dans ces domaines, et il est même devenu dramatique de se dire qu’on est obligé de débaucher à l’étranger pour pouvoir faire le plein et assurer un service décent. Qu’on ne vienne pas me taxer de racisme, j’entends simplement par là que les infrastructures de formation existent, que la demande en terme d’emplois est là, mais que ces emplois dans le médical ou dans la sécurité de nous autres concitoyens ne séduisent plus. C’est bien plus profond qu’une simple désaffection, c’est que la nation ne reconnaît plus de mérite à ceux qui servent les autres, les gens ne voyant plus que le service au lieu d’y voir un privilège. Nous ne sommes pas des clients mais des patients chez un médecin, de la même manière que la sécurité et la présence d’une police ce n’est pas « quand on veut et si ça nous arrange ».
Tant que tous nous chercherons l’assistanat pur et simple de l’état à tous les étages, que la fonction publique partira du principe que le pays peut être pris en otage et menacé d’immobilisation nous n’avancerons pas dans la bonne direction. Je suis écoeuré de me dire que bon nombre de nos chers grévistes ont trouvés le moyen d’engueuler les routiers quand ceux-ci ont cherchés à faire valoir leurs droits de grève et de revendiquer des conditions de travail décentes. Et oui, ça bloquait les stations services donc ça emmerdait monsieur ou madame pour partir en week-end… et donc obligés de se rabattre sur le train ! Sacrée ironie vous ne trouvez pas ?

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