16 mai 2007

Désaffection ou à désinfecter ?

Certaines « institutions » du monde culturel méritent qu’on se pose la question. Depuis la tempête dans un verre d’eau du groupe Norvégien Lordi à L’eurovision 2006 je ne peux m’empêcher de regarder cette vénérable antiquité télévisuelle avec une certaine condescendance. Phénomène de foire au milieu d’artistes propres sur eux, le groupe a créé non seulement un choc culturel mais aussi une explosion de colère des conservateurs supposés animer et présenter la chose. M.Drucker en tête, la révolte médiatique s’est faite entendre jusque dans les feuilles de choux visiblement formatées pour un public de retraités voire de maison de retraite. Il ne décoléra pas jusqu’à la fin du générique « Un scandale… une honte… » aucun mot ne fut trop fort pour qualifier l’inepte victoire d’un groupe de rock au milieu du défilé pseudo pop qu’est devenu le concours. Croyez le ou non, c’est une réaction par trop attendue et la provocation n’a été qu’un prémisse au tremblement de terre qui se préparera sur les prochaines années.

Qu’on le veuille ou non l’eurovision c’est la symbolique même de la musique « à papa », le reliquaire aux souvenirs émus des pattes d’éléphants en « prime » et un coulis de bons sentiments mis en musique. En quoi ce modèle correspond-il encore aux attentes des téléspectateurs européens ? Une chose me chiffonne : si le vote est de nature téléphonique dans chaque pays, on peut dons comprendre par cette crise identitaire que les différents pays participants réclament de la nouveauté et non de la pérennité. La mode est une chose volatile et il est donc compréhensible qu’un tel évènement médiatique nécessite non pas de se scléroser sur ses acquis mais d’accueillir des nouveaux venus, de vrais découvertes locales issues de l’engouement populaire, mais là… le bat blesse.

Sur une logique qui me dépasse le principe même de l’eurovision provoque un choc culturel peu à même d’offrir une vue agréable sur les goûts européens. Il serait temps que tous prennent conscience que, localement et même internationalement parlant les morceaux présentés au concours ne font pour ainsi dire aucune vente ou presque et qu’au surplus il est invraisemblable de s’apercevoir que les habitants eux-mêmes ne trouvent pas le morceau ou l’artiste envoyé en mission de communication adapté aux saveurs du jour. Qui se souvient des candidats ? Qui peut me citer plus de deux ou trois chansons marquantes ? Ce n’est pas seulement le classement qui est signe d’une désaffection, c’est aussi et surtout une preuve non négligeable qu’on ne peut pas placer un mercenaire en lieu et place d’un chanteur plébiscité par le public national. Cette année la France a tenté le coup avec les Fatals Picards… belle tentative j’en conviens, mais c’est oublier que les votants sont européens et qu’un tel groupe ne trouvera jamais son public en dehors de la France. Les résultats des pays francophones en attestent, nous sommes passés du cliché bien formaté au cliché intégriste sans passer par la case médiatisation suffisante. Mal en prennent nos sélectionneurs, il faudra raisonner en tant que concours pour des Européens, et non en tant que représentation Française chez des étrangers.

Là où je suis de plus en plus agacé c’est que les débats bassement politiques et médiatiques rejoignent le terrain de la musique. La gagnante du concours est Serbe, lesbienne et a une voix fabuleuse. Je n’ai pas entendu toutes les chansons, loin de là, mais sa voix justifie à elle seule un victoire tant elle est puissante et chaleureuse. On me taxera d’aimer un morceau slave parce que je le suis, de défendre becs et ongles parce qu’elle est d’une minorité devenue visible… mais on s’en fout bordel ! Elle était là pour chanter, non pour revendiquer ses choix sexuels. Le plus dramatique c’est qu’actuellement internet se fait le creuset de deux reproches aigris, un donc sur sa sexualité l’autre sur le vol de la chanson. Pour ce second point j’ignore même s’il s’agit de calomnie ou d’une vérité mais après tout est-ce à moi de décider si un artiste est un escroc ou pas ? Sur le point de vue purement technique elle ne vole pas sa victoire, ses chordes vocales méritant des éloges.

Dernier point bien plus pénible, c’est que l’eurovision devient également la foire au n’importe quoi. Vote provocateur ou vraie déliquescence de l’intelligence mondiale, l’Ukraine s’est offert le luxe d’arriver seconde avec un « truc » (je reste poli) qui ne tient ni de la musique ni de la chanson. On qualifie ça de dance, musique pour danser, mais là c’est un synthétiseur Bontempi, un guignol en paillettes vociférant des paroles sans suite en trois langues différentes et tentant péniblement d’entraîner la foule dans ses délires. Même constat que pour la Serbe, la critique fuse puisque le chanteur est un travesti… ça une fois de plus je m’en cogne méchamment, ce qui m’ennuie c’est l’incurie que représente cette soupe à gogos prêts à se décérébrer à coups de décibels dans les esgourdes.

Je peux donc affirmer sans douleur que l’eurovision pâtit tout autant de son image désuète, dépoussiérée trop tard non par les pays participants mais par les votes du public qui visiblement s’amuse à bidouiller les cartes. L’impression désagréable qui me reste en bouche est surtout qu’on ressent tant un vote nationalisant qu’un esprit de contradiction, juste histoire de montrer que c’est le public qui choisit pardessus toute autre instance. J’ignore s’il existe un juste milieu entre la désaffection du public et un besoin de désinfecter l’image devenue sordide du concours à force de commentaires graveleux et malsains, mais les deux me semblent si intimement liés qu’à terme l’eurovision deviendra malheureusement une épave digne des pires excès de la télévision réalité. Que nos parents doivent souffrir en voyant ce que c’était et ce que c’est devenu…

Le "truc Ukrainien"

La chanson Serbe victorieuse

Un peu de chauvinisme gratuit: les Fatals Picards

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