05 avril 2007

Hésitations

Souvent je me demande ce qui peut bien me pousser à exprimer aussi grossièrement mes opinions, déboires et réflexions à travers la lucarne étriquée d’une machine autrement plus prompte à me faire perdre mon sang froid que me soulager de ma conscience défaillante. Ainsi, en bon exhibitionniste virtuel je vous (par vous j’entends mes pauvres lecteurs assujettis à supporter mon mauvais caractère) délivre le fond de mes pensées avec une importance digne d’un politicien en quête de voix.

J’avoue, il m’arrive parfois d’hésiter fortement à la rédaction de ma « brève » (toute proportion gardée…) du fait que je me pose énormément de questions face à vos réactions : vont-ils apprécier mon cynisme et le désespoir lattent camouflé sous des vagues d’humour trompeur ? Vont-ils me détester pour avoir attaqué un de leurs favoris ? Après tout l’important ce n’est pas tant de plaire à tout le monde, mais de vraiment plaire à ceux qui le méritent. Dans l’absolu, j’imagine bien que ceux qui me lisent ne sont pas tous unanimes et j’avoue même que c’est la contradiction qui me maintient en éveil. Quel intérêt d’écrire si c’est pour être sans cesse admiré ? je n’ai rien d’une diva de la plume, et à tout choisir je préfère un râleur se trompant à un flatteur me confirmant mes dires.

Pas d’énervement, tout est sous contrôle. Qu’est ce que diable puis-je bien contrôler ?! L’écriture est mon ivresse, mes doigts se laissent porter non par une réflexion intense ou une analyse en amont mais juste par le souffle inopiné de l’inspiration traînant là sans trop savoir que faire en moi. Quelle sensation délicieuse de sentir les phrases sortir à un rythme tel que je n’arrive pas à me suivre… bon là c’est d’un psychiatre dont j’ai besoin tant mon dédoublement de personnalité se fait sentir. Encore une chose qui incite à la crainte et à l’hésitation.

Tant que les idées sont là, tout va, notamment en terme d’inspiration et d’aisance linguistique, mais quel scribouillard ou auteur génial n’a pas vécu le syndrome de la feuille blanche ? Quel gratteur à la plume levée n’a-t-il pas haï son propre néant intérieur ? Quelle douleur, quelle souffrance de devoir ployer sous le poids du doute et de l’incapacité à exprimer quelque chose sur le papier. Nul n’est à l’abri : depuis un Zola un lendemain de repas trop arrosé jusqu’au « journaliste » d’un magazine télé il faut toujours une petite part d’imagination, de spontané qui peut faire défaut sans crier gare… et inutile d’insister alors toute tentative de violenter l’esprit pour en sortir « quelques lignes de plus » se soldera quoi qu’il arrive par des monceaux d’inepties illisibles et tout au plus lamentables.

Alors, une fois ce cap douloureux passé apparaît également le terrible doute de la cohérence de l’ensemble. C’est si simple de jeter des idées ça et là, de les éparpiller pour ensuite les balayer comme un cantonnier en pleine débâcle automnale pour en faire un joli tas nommé œuvre, mais qu’en est-il de la solidité générale de cette chose extirpée de soi ? pour un édifice mental, il est particulièrement terrible de constater que pour toute fondation il ne reste guère que quelques personnages ou idées, souvent caricaturales, et toujours à côté de ce qu’on voulait obtenir. Là, on hésite à retoucher, à sabrer violemment même dans les chapitres inutiles et mal venus, et pour finalement tout laisser en l’état ou presque. Tant pis pour l’incohérence, le cœur doit se reposer un peu avant d’accepter d’avoir échoué !

Frustration suprême et finale, la seconde relecture amène l’auteur à déchiqueter son texte pour sortir les tumeurs linguistiques et autres horreurs grammaticales pour que cette bouillie infâme présente un peu mieux qu’une ratatouille trop cuite. Mot après mot, les règles martelées par nos enseignants bourreaux se mélangent elles aussi pour ne former qu’une vague connaissance toujours faite d’erreurs, d’inversions et de non sens profonds. Coup après coup le travail de fond, de forme et de structure abîme, lacère, charcute ce pet mental qui s’est changé en un grand n’importe quoi imbuvable.

Après s’être infligés tant de doutes et de douleurs, la larme à l’œil celui qui écrit jette son enfant avec l’eau du bain, car oui vous offrir ces lectures c’est un peu comme accepter que d’autres jugent sévèrement le bébé qu’on a péniblement élevé puis finalement pour nous inciter à l’abandonner tant il est laid et incapable de vivre par lui-même.

Quel drame suprême de se relire… et de ne pas avoir d’idées à jeter sur le papier ! Quoiqu’au fond je viens bien de brasser du vent et des métaphores à la pelle sur … (seigneur dit-il en se mordant la lèvre) RIEN !

Que vivent les auteurs !

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