03 avril 2007

Eveil au printemps délicat

Bien souvent l’on me trouve sombre, hagard de sourde colère contre le manque d’intelligence du monde, alors aujourd’hui voici quelques mots apaisés…

D’un regard nonchalant qui se pose sur les rames bondées d’un métropolitain nauséabond j’observe les coutumes étranges des usagers solitaires. La météorologie ne devrait pas se baser sur l’étude onéreuse et complexe des nuages et autres phénomènes nébuleux de l’azur mais sur les statistiques vestimentaires : quel homme n’a pas apprécié l’arrivée d’abord discrète puis plus ample des jupes raccourcissant proportionnellement à la température et quelle femme n’a pas été agréablement distraite par la disparition des vestes hivernales ? C’est un fait, le printemps va éveiller les sens engourdis et faire revenir aux narines précédemment bouchées par les inévitables rhumes les senteurs subtiles des fleurs en éclosion.

Quel plaisir de déambuler sans but le long des haies, par les chemins détournés des campagnes verdoyantes et d’écouter les pinsons céder aux premiers émois de l’amour ! Quelle douce sensation que celle de la brise soufflant légèrement sur mes bras enfin dénudés tout en respirant à plein poumons l’air se réchauffant peu à peu ! Comme sortant d’un hivernage prolongé je m’étire, soupirant paisiblement aux premières lueurs du jour en songeant à ces journées que je voudrais tranquilles et dénuées de mes tâches quotidiennes. Que pourrais-je trouver de plus fin plaisir que celui d’être éveillé à la fois par le souffle lent et mesuré d’une femme alanguie sous mes draps froissés et par les rayons de l’astre solaire réchauffant nos peaux nues ?

Le nez plongé dans la tasse de café fumante, assis à écouter la nature s’ébrouer, je laisse l’esprit vagabonder loin, très loin du pragmatisme, fuyant la raison au profit du rêve embrumé d’un dormeur tout juste sorti des bras d’une déesse. Il fait bon, ni trop chaud, ni trop froid, juste la température nécessaire pour que je m’émerge en douceur. Qu’il est bon de voir le soleil grimper à la façade bleutée du monde, sans se préoccuper de la trotteuse s’échinant en vain à rattraper le temps perdu. Laissons son trémolo mécanique, j’ai envie d’écouter celui d’une voix féminine penchée sur mes épaules me proposant un baiser pour bonjour.

Doux temps qui disparaît aussi vite qu’il est arrivé, doux printemps qui s’effondrera quand l’été brûlant lui emboitera le pas, reste donc l’allié de mes repos, l’ami de mes siestes et le frère de ceux que j’aime. Oubliés les soucis du quotidien, bannies les mauvaises idées, l’esprit chagrin et le cynisme, partis sur les routes de l’oubli ! J’ai envie d’une paix intérieure si difficile à trouver, je désire tant que se suspende à tes lèvres le temps des soupirs.

Mais voilà que je m’éveille, l’appareil électronique s’énerve pour me rappeler mes obligations, pour me marteler avec joie le pathétique destin des travailleurs, celui de suivre une horloge, de courir après sans jamais avoir le moindre espoir d’en arrêter la course. Je m’étire quand même, j’hume le parfum passé par la transpiration de ma compagne, je sors sans l’éveiller et puis, assis dans la cuisine j’ouvre la fenêtre, fume ma cigarette accompagnée de mon éternelle tasse de caféine liquide et la radio, en fond sonore, murmure les informations déprimantes d’un monde qui se suicide... et pourtant malgré tout je souris. Je suis en paix...

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