08 janvier 2007

Hypocondriaque politique et névrosé militant.



Comment résumer la morne réaction que provoque en moi l’exultation populaire lors du changement d’année ? y a-t-il réellement une expression capable d’identifier sans aucune contestation possible l’indifférence qui se manifeste en moi face à la foule sautillante devant un feu d’artifice, d’un but lors d’un match de football ou bien en plein meeting politique ? le fait est je ne surveille le calendrier qu’à deux occasions qui sont d’une part la célébration de mon entêtante survie (terrible camouflet à Darwin qui prétendait à tort que les plus adaptés survivent) et à la non moins savoureuse délectation quotidienne que je pratique en découvrant la dernière bavure humaine quelque part dans le monde, et qu’ainsi la nouvelle année n’est qu’une façon comme une autre de constater sans équivoque que tout corps imbibé d’alcool à l’excès a une flottabilité inférieure et une densité surprenante. On ne compte en effet plus le nombre de noyés, éventrés par accident, écrasés dans un véhicule (qui a eu la mauvaise idée de croiser la route d’un chêne en goguette…) et ce sur la courte période séparant noël et le jour de l’an. Suis-je donc allergique aux fêtes populaires et aux évènements populistes ? pas le moins du monde, simplement mon aversion pour la foule provoque en moi l’urticante sensation d’être au milieu d’une foire aux bestiaux mâtinée d’un vibrant hommage aux producteurs de boissons alcoolisées.

De ce constat le psychologue me taxera rapidement d’être misanthrope et d’une mauvaise foi à faire pâlir un politicien. Soit. Je concède non sans une ironie dans le rictus que j’ai du mal avec les humains et qu’au surplus leurs excès ont le don au mieux de m’agacer, au pire de m’infliger une sévère migraine. J’avoue également qu’il m’est difficile de comprendre et encore plus de cerner la personnalité de ces gens qui fêtent non pas un évènement mais le temps qui passe ! incroyable, on arrose, dispose et disserte sur la vitesse à laquelle on approche de la mise en bière et sur un ton dramatiquement souriant. En hélant le quidam courant après la trotteuse pour lui demander s’il ne se sent pas idiot de célébrer la fin d’une année, celui-ci vous répondra toujours qu’il souhaite que l’année à venir soit pleine de bonnes choses, et patati et patata… ah parce qu’il faut croire que les vœux pieux se réalisent ? j’ai dû rater un épisode parce que généralement le dicton veut que les bonnes résolutions pour le nouvel an sont les premières à s’envoler et à ne pas être tenues… quoiqu’en y réfléchissant bien Bush fils s’était engagé à prendre position sur la suite à donner à la guerre en Irak, et il l’a fait avec (soyons hypocrites ou cyniques) élégance en jetant un 20.000 à la tête de ses détracteurs. Oui ! 20.000… de plus ! chapeau bas cowboy, tu me laisses sur le séant.

Là mon psychologue légèrement désarçonné par la contorsion intellectuelle allant du champagne à l’Irak pour voguer entre les deux sur le nouvel an se gratte la base du crâne, m’observe avec circonspection et me soupçonne d’être hypocondriaque. Non docteur, je ne souffre pas de tous les maux et surtout pas de ceux qui se distribuent par la vox populi ou par les médias. Suis-je allergique au monde ? certes oui puisque je revendique mon côté « haine ordinaire » (merci Maître) mais je me sens plus comme un parasite accroché au dos d’un chien que comme un chien accroché au dos de son maître. Comment ça je n’ai pas compris la réflexion toubib ? vous parliez donc de maladies mentales de base comme être sociopathe, névrosé ou bien maniaco-dépressif ? qui ne l’est pas docteur ? je croyais que ces termes étaient associés à une définition somme toute très fidèle de 98% de l’humanité !

Je sens que mon médecin conventionné fulmine intérieurement à mon sourire narquois. Le Vidal dans une main, un Freud dans l’autre en guise de bible expiatoire le voici lancé dans une recherche digne d’une quête épique du Saint Graal pour découvrir mon fonctionnement intérieur. Pas à pas dans l’avancement dans ses élucubrations il me tance de toute sa science (si science il y a dans l’analyse de l’intellect du tout à chacun…) et me fait bien comprendre que je suis un hamster prisonnier de son Savoir. Amusant, laissons le croire qu’il comprend quoi que ce soit et amusons nous. Alors doc’ ce que vous voyez dans mon karma est bon ou pas ? s’astiquant le menton (non, pas le reste …) de deux doigts il sourit comme un illuminé à la veille de se faire sauter en plein marché en braillant un slogan religieux quelconque. Oui ! j’ai compris vous êtes névrosé chronique ! il se gargarise le bougre, fier de sa trouvaille péremptoire. Moi névrosé ? grande nouvelle docteur, c’est une découverte pour moi, à croire que cette révélation est de l’ordre du divin ! Après Fatima me voici à Paris voyant la lumière ! ah non, ce n’était qu’un tube néon jouant les funambules clignotant au-dessus de mon crâne. Puis-je ajouter que je suis névrosé militant docteur ? oui, ce n’est pas que j’aime prendre parti (quoique…) mais c’est surtout que je revendique ce côté déprimé (et parfois déprimant) de ma personnalité qui n’a pour seul et unique but que de provoquer l’agacement chez les interlocuteurs qui m’irritent.

Il enrage, rougit de colère et jette ses précis de psychologie. Du calme, inutile de s’énerver pour si peu ! oui je sais, c’est frustrant d’avoir un patient qui s’amuse à loisir à naviguer entre le bon et l’atroce, qui se joue des conventions en prétendant pèle mêle adorer la liberté et vouer un culte au militarisme, et qui pardessus le marché savoure la dégradation morale et sociale du monde comme on dégusterait un plat pantagruélique. Le voyant se visser le doigt sur la tempe je le soupçonne de me croire fou, bon à enfermer, digne d’une étude psychiatrique et non psychologique et qu’au final la science se contentera d’une camisole et d’électrochocs. Une petite chose docteur, j’oubliais de vous préciser que je n’ai rien d’un dangereux psychotique armé prêt à tout pour d’obscures raisons incompréhensibles (bien qu’il me semble plus intellectuellement satisfaisant de paraître fou -chose qui est aisée- aux yeux d’idiots que de leur sembler être un génie qu’on est pas). Je n’ai rien de bien dangereux si ce n’est qu’au final je suis bien un hypocondriaque politique (la façon de traiter la politique aujourd’hui me donne la colique) et un névrosé militant.

Revenez toubib, je déconnais, allez analysez mon moi profond, celui qui se cache dans les entrailles noueuses de mon cerveau dégénéré ! faites moi comprendre qui je suis réellement, mes différentes personnalités demandant une trêve des confiseurs pour se mettre d’accord sur un plan d’action (si possible ratifié par l’ONU). Soyez sympa merde, j’ai besoin qu’on m’explique de quoi je suis (ou pas) fait… mais revenez… le con il court vite !

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