13 novembre 2006

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Les décennies passent, les gens trépassent et pourtant nous ne sommes toujours pas capables de regarder en face notre histoire. Qu’y a-t-il de si honteux à rendre les honneurs aux sacrifiés de 1914-1918 ? on aura beau coller des médailles (à titre posthume aujourd’hui), rallumer les braises de la fierté nationale et fleurir des morceaux de marbres orgueilleux, rien n’a changé. Enfin si une chose majeure a changé : nous sommes devenus incapables d’avoir la tête haute en respect pour ces hommes et ces femmes perdus au front.


Site de la bataille de Verdun
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1918, bientôt 90 ans et presque personne n’éprouve le besoin de s’incliner face aux symboles du sang versé pour une haute idée de la Nation. Bien sûr que la grande guerre (comme s’il pouvait y a voir de grande guerre, toutes les guerres sont misères et déshonneur) est un jalon dans nos livres au collège et au lycée, bien sûr qu’on profite du jour férié offert à l’occasion de l’armistice mais finalement qui se préoccupe du destin de ces pauvres bougres ?

Petit rappel des faits : l’Alsace Lorraine est allemande car 1870-1871 a été une cinglante défaite française. Depuis, toutes les grandes puissances (entendre par là les grandes puissances coloniales) se disputent les marchés mondiaux à coup de milliards en or, de marchandises provenant des colonies et de soutiens sur les états esclavagistes hors de l’Europe. Les USA s’inquiètent plus des progrès à faire dans leur industrialisation et regardent d’un œil circonspect la possibilité d’un conflit territorial au sein du vieux continent. Un assassinat, un crime probablement orchestré par des services secrets quelconques suffisent à allumer le brasier de la haine. Il est étrange de voir à quel point la propagande avait déjà préparé les foules, les futurs conscrits et les futures veuves à la colère contre l’autre en face, l’Ennemi héréditaire, le boche ou le buveur de rouge. En quelques jours on aligne des millions d’hommes, des vies fraîchement arrachées aux campagnes et aux usines pour les équiper de fusils et d’uniformes aux couleurs improbables : rouge et bleu azur pour les français (sic) et gris souris pour les allemands. Je passe sur les détails stratégiques, des centaines d’ouvrages traitent mille fois mieux que moi de ce sujet et je doute qu’un pavé imbuvable traitant des différents généraux français et allemands soit vraiment à sa place ici..

Pourquoi revenir sur cette guerre ? j’y vois deux raisons majeures que je vais vous détailler.

Le bourbier et le sang pour glorifier la folie.

A partir de 1915 les hommes commencent à s’enterrer, à créer des réseaux de tranchées et à vivre comme des rats. Promiscuité, humidité, absence ou presque d’hygiène, chaque soldat se voit imposé la souffrance de la terre froide et douloureuse tandis que le moral se désagrège au fur et à mesure des assauts aussi inutiles que dévastateurs. Dix mille morts en une seule journée sur un seul assaut… n’est ce pas suffisant pour faire changer de position les dirigeants et les officiers ? pas le moins du monde, la faucheuse est maintenue dans ses règles en espérant que l’ennemi sera à court de renforts et de chair à canon avant soi. Bataille de la Somme, Verdun, le Chemin des Dames, rien n’y fait personne ne prend en compte l’inutilité d’une telle stratégie. Une fois de plus le soldat n’est que bétail à sacrifier sur l’autel de l’orgueil et du soi disant génie milita ire (contresens…). Qu’est ce qui change aujourd’hui par rapport à ces poilus abrutis par l’artillerie, déchiqueté par le schrapnel, empalé sur les barbelés et les herses ou mutilés par les gaz de combat ? on n’aligne plus les troupes à la parade, on les envoie subir les radiations des armes à l’uranium appauvri, on les gave de médicaments douteux et expérimentaux et d’armées il ne subsiste finalement que des bataillons de commandos prêts à tout pour réussir. Est-ce vraiment un progrès ? les avions remplacent l’artillerie, les missiles les obus et finalement on tue de plus en plus précisément. « Guerre propre » disent ils avec fierté ces hypocrites vêtus des honneurs futiles de la médaille gagnée sur le sang des autres. Et puis l’atome est maintenant à la portée de toutes les bourses ou presque…

Non décidément la guerre n’a pas progressé, on a juste amélioré la précision dans le massacre et l’homicide volontaire.

La guerre comme facteur économique majeur.

La guerre de 14 a permis de faire circuler comme jamais les devises, de lancer des industries lourdes dans des proportions invraisemblables et moderniser à outrance les moyens de communication. Nous, je veux dire l’Europe sommes offert un vrai réseau télégraphique grâce aux combats et au besoin acharné de passer de la guerre à la carte à la guerre de l’information. En cela chaque seconde passée au téléphone est payée par une goutte de sang d’un soldat ayant péri sur les différents fronts dans le monde.
On dit que la misère n’est pas à l’échelle humaine, son besoin de posséder et dépenser l’est encore moins. Quel besoin pouvait éprouver un état de s’offrir une flotte de navires de guerres en dehors de se préparer à un conflit ? dire à qui veut l’entendre qu’ « on a la plus grosse » ? voyons, soyons un rien pratiques et reconnaissons que les états impliqués ont dépensés pour ensuite gagner au change… sauf que dans ce raisonnement seuls les vainqueurs peuvent se permettre de jouer à ce jeu dangereux. Malheur aux vaincus dit le dicton, l’Allemagne a tellement souffert de cette dette de guerre qu’on a créé un état totalitaire et offert le terreau idéal à un certain Adolf H…

Ecoutons le clairon qui sonne lorsqu’on doit se souvenir des victimes de l’abomination de la première guerre, taisons nous le temps de la minute de silence pour reconnaître aux soldats des deux camps qu’ils ont été courageux, héroïques même (bien que je déteste ce mot) et qu’on ne doit plus jamais renouveler un tel massacre. Et dire que les survivants parlaient de la « der des der »….

Bilan de 14-18 :
- 9 millions de morts,
- L'Allemagne, La France et la Russie concentrent à eux trois 60% des pertes.
- En France ou en Allemagne ce sont entre 20 et 25% des hommes entre 20 et 30 ans qui disparaissent au combat.

Et dire qu’on a vendu la chair des pays européens au prix de l’ambition, du manque de discernement, de l’orgueil et de la folie des hommes de pouvoirs.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

je suis une fan d'histoire, spécialisée selon le diplome sur la Sde Guerre mondiale, mais là, je suis restée coincée 5 minutes après avoir lu ça
de l'excellence...à l'état pur ! Sandrine