09 mars 2011

Prise de risque inconsidérée

Petite remarque initiale : j’ai trouvé un peu de temps pour ouvrir ma grande gueule, mais pour le moment, mes textes apparaîtront de manière sporadique… Donc, patience, et merci à celles et ceux qui passent encore voir par ici si je suis encore vivant !

S’il est une situation non maîtrisée qui, dans les prochaines semaines, pourrait amener à un véritable massacre, c’est bien la Libye. Nous observons, avec notre œil d’Européen sceptique, l’agitation qui secoue actuellement cette dictature. Avec peu d’informations, une volonté coupable de « bien faire » de la part des médias, et une prise de position dangereuse de la part des politiques, la France est à présent mise en mauvaise posture, et ce pour plusieurs raisons que je vais énumérer. Je vais également aborder les conséquences possibles de notre comportement politique vis-à-vis de cette crise majeure.

Comme nous l’avons tous vu, les vieilles dictatures sont tombées les unes après les autres. Toute la détermination des peuples (Tunisie, Egypte) s’est mise au service d’un espoir de progrès, et surtout de liberté enfin acquise, et au prix du sang versé malheureusement. Notre diplomatie, tout comme l’immense majorité des médias du monde, n’a pas su percevoir que le mouvement initial n’était pas qu’un simple frémissement, mais bel et bien la fin de vie de systèmes dictatoriaux usés par leurs durées. En conséquence, par crainte d’être en retard diplomatique en cas de réussite de la révolte libyenne, les journaux présentent clairement Kadhafi comme un fou furieux, et n’hésitent clairement pas à blâmer les gouvernants actuels pour leurs « faveurs » faites au colonel. Deux choses sont à noter : d’une, soutenir inconsidérément une révolution, c’est oublier qu’ignore qui en sortira vainqueur, et de deux éluder l’historique de plus de trente années de collaboration c’est pratiquer de la mémoire sélective.

Revenons sur le premier point litigieux. Actuellement, les insurgés tentent de résister, avec les moyens du bord, contre les forces restées fidèles à Kadhafi. Inexpérimentées, mal dirigés et mal armées, ces milices peuvent tout aussi bien vaincre, qu’être balayées en quelques jours. De là, Kadhafi a ouvertement promis des représailles sanglantes, ainsi qu’une revanche violente contre les états ayant cautionnés la révolution. Après s’être vu reprocher une franche frilosité, la France a maintenant versé dans un excédent de confiance dans la capacité de la Libye à se débarrasser de son despote. Dans les faits, cela revient donc à annoncer aux résistants « nous sommes avec vous », ce qui impose donc, à terme, qu’ils gagnent. Dans le cas contraire, nous serions alors la cible de mesures de rétorsion au mieux économiques, au pire terroristes. On ne peut décemment pas parler d’un soutien moral, quand il y a un besoin de soutien logistique et technique. Pour que la France ne se retrouve pas en mauvaise posture, il faut à tout prix que Kadhafi soit destitué. Or, pour l’heure, nulle action autre que verbale n’est menée en ce sens. Les médias, très critiques, sont donc aussi responsables d’une potentielle crise.

Le second point qui me fait grincer des dents est cette attitude hypocrite de nombreux médias. On reparle avec confort et opportunisme de la tente de Kadhafi plantée en plein Paris, tout comme l’on affiche des images des poignées de mains à l’Elysée. Dites, les scribouillards, peut-on revenir sur les contrats d’armes passés avec l’Egypte ou la Libye ? Peut-on reparler des avantages que tiraient, en terme d’immigration, les gouvernements successifs Français, en négociant avec ces mêmes dictateurs ? Certes, l’aveuglement actuel de la plupart des diplomaties Européennes (voire mondiales), a mené à l’absence de clairvoyance concernant la fin des dictatures. Pour autant, exhorter le gouvernement, par vox populi (prétendue, puisque pas nécessairement validée de quelque manière que ce soit), à s’immiscer dans les affaires de la Libye, c’est très certainement prendre des risques inconsidérés. La politique ne se fait pas dans les journaux, ni les sites Internet. Elle se fait tant sur le terrain, dans les ambassades, que dans les ministères, le tout en accord avec le président de la République. Petite pique supplémentaire à nos chers grattes papiers : que fera-t-on si, en désespoir de cause, Kadhafi se lance dans un génocide ? Devra-t-on envoyer des troupes ? Dans quel cadre ? Selon quel mandat ? Nous n’avons, en principe, pas vocation à destituer des dictateurs. D’ailleurs, pour mémoire, nous nous sommes félicités quand la France n’est pas allée en Irak pour déboulonner Saddam Hussein. Et là, bizarrement, on changerait de discours ? Pourquoi ? Soit on intervient clairement, et on assume les conséquences, soit on se tait.

Enfin, je suis particulièrement frileux concernant l’idée d’intervenir. Nous ne sommes, à mon avis, pas forcément compétents pour choisir un camp à soutenir. La Libye a une problématique spécifique s’appuyant sur un historique de tribus. Dans ces conditions, favoriser une tribu au détriment d’une autre, c’est instaurer un système où l’autorité de la majorité ne saurait être respectée. Pire encore, je doute que les Libyens puissent tolérer que la France se prenne pour un policier en venant prendre le pouvoir. En admettant une intervention militaire, même limitée, pour sortir Kadhafi, nous aborderions une expression très dangereuse : le coup d’état. Prenons garde : si nous voulons soutenir les insurgés, faisons le vite, car je doute qu’ils tiennent longtemps face à des troupes entraînées et bien armées. Si nous ne le faisons pas, empressons nous alors de trouver une voie médiane entre l’attentisme et l’interventionnisme. Reste à définir si cette troisième voie existe, chose dont je doute. Maintenant que nous en avons trop dit, Kadhafi reprochera à tout dirigeant Français de s’être mêlé d’affaires qui ne le regardait pas, et, dans le cas d’une chute du dictateur, l’instabilité politique qui en résultera mettra du temps à disparaître. Dans tous les cas, la Libye n’est pas sortie de la crise, et elle mettra du temps à s’en sortir.

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