29 avril 2015

70 ans, déjà?

Ca y est, nous avons les 70 ans qui s'approchent. Sept décennies de changements scientifiques, politiques et culturels tels qu'on peut se demander "mais comment diable faisaient-ils avant l'iphone?!". Question légitime au plus haut point, puisqu'il n'existe plus de salut sans la bricole électronique envahissante qui vous leste la poche intérieure comme on lestait les cadavres de plomb au bon vieux temps qui est mort et dont tout le monde se fout. Hé oui: il y a 70 ans, un brun moustachu s'envoyait du cyanure puis se faisait éclater la tête, il y a 70 ans commençait le décompte macabre des recordmen du génocide, il y a 70 ans on disait "vive la fin de la guerre chaude aux bombes incendiaires, vive le début de celle bien froide où les idiots à étoiles se préparent à s'entretuer".

Le souvenir, ah cette madeleine de Proust qui est sans arrêt remise sur la table, ce met fade et nauséabond que chacun assaisonne à sa sauce aigre puante. Depuis les sémites revanchards, en passant par les nostalgiques d'un temps révolu, jusqu'aux arthritiques qui beuglent "que c'était mieux avant tas de jeunes cons!", tout le monde y va de sa chansonnette sur la fin d'un régime spartiate qui a été remplacé par un régime trop gras et arrosé de ketchup. Ainsi, mes frères, nous avons donc décrété que l'hostie était trop immangeable, c'est le burger qui a pris le relai! Mais quel relai… Celui du consumérisme frénétique où l'on arrive dorénavant à vous faire croire qu'une montre se doit de ne plus avoir l'heure mais de vous compter les pas pour vous faire perdre 70 ans de surconsommation, Celui de la conversion du "j'ai besoin" en "J'en ai jamais assez"? Ou bien celui, plus glauque encore, où les bras tendus d'hier sont grimés pour laisser supposer qu'un fascisme modéré serait la solution à tous les maux?

Ne me croyez pas nostalgique des hymnes martiaux, du pas de l'oie ou des envolées lyriques d'un guide hystérique dont l'accoutrement brun terre de sienne est à lui seul une insulte au bon goût. J'ai même peine à croire qu'on puisse, au détour d'une suspicion quelconque, envisager un seul instant que mon esprit puisse s'accommoder des massacres de masse, de la propagande poussée jusqu'à l'absurde, ou le refus de pans entiers de la culture sous prétexte qu'ils ne sont pas issus de gens dont les yeux bleus harpic et la blondeur l'Oréal seraient des signes de reconnaissance. Je n'éprouve aucun désir de voir un tel système reprendre place dans les urnes… D'ailleurs, je n'ai encore rien vu, comme le dirait mon géniteur qui, lui, a eu tout le loisir de connaître le bruit des bottes ferrées, mais c'est un autre sujet. L'essentiel est que le souvenir, cette nécessité absolue de ne rien oublier, c'est dorénavant un outil fort utile pour vous faire immédiatement passer du côté des chemises brunes, tandis que les autres sont en chemises à cols blancs.

La moralité d'une cause n'a pas à être défendue par une instrumentalisation du souvenir ou du devoir de mémoire. C'est beau comme maxime ça, mais cela sous-entend alors qu'on ne se doit d'écouter un discours que lorsqu'il a le mérite de ne pas comparer le présent au passé. Difficile, surtout si l'on envisage d'apprendre des erreurs de nos aïeux… Et pourtant, quoi de plus naturel? Celui qui vous jette à la gueule que le souvenir des actions de nos ancêtres doivent suffire à nous faire taire est le pire des menteurs, car lui-même salit la mémoire de ceux, justement, qui mériteraient qu'on se souvienne d'eux. Le ridicule ne tue pas, mais on devrait envisager de se substituer à la Mort en guise de service public palliatif. Comme je le martèle depuis des années, je n'ai pas défilé avec les porteurs de mort en masse, je n'ai pas poussé dans l'urne de quoi défriser la bonne conscience collective, et encore moins estimé qu'il était plus sain d'avoir un monde où la sélection darwinienne se ferait au butane (ou au zyklon, mais là je m'égare). Pour autant que je sache, les témoins de cette période commencent à se compter sur les doigts des manchots, et à terme il ne restera d'eux que des plaques, des photographies, ou quelques vidéos terribles que même un amateur de film de genre abreuvé de sang et de tripe n'arrive pas à regarder sans avoir un frisson dans le dos.

Donc, toi qui penses me faire la leçon en me braillant que je n'aime pas le juif parce que je défends mon droit à penser qu'il peut avoir tort, toi l'imbécile qui a eu l'idée de faire passer pour un bourreau par héritage génétique et non par les actes, tu défends les mêmes thèses dégueulasses, parce que tu revendiques tout aussi stupidement la supériorité de l'un au détriment de la culpabilité supposée de l'autre. Tu ne me crois pas? Ca te paraît si insensé comme miroir? Pourtant, observons donc! Le brassard noir prenait pour responsable de ses problèmes tout ce qui était différent de lui, et disait donc que c'était d'une responsabilité autre que la sienne s'il y avait des problèmes. Remplaçons donc "brassard noir" par juif et voyons si, d'une part, je me fais censurer ou insulter, et d'autre part si je ne suis pas dans le vrai. L'œil vif de l'observateur sera à l'affût de la réponse, l'œil torve du quidam s'en moquera, et l'œil acéré de l'extrémiste viendra me tancer en disant que je tiens des propos intolérables. Soit, c'est méchant et très résumé, simplifié et même exagéré. Cependant, si l'on y songe… qui a construit des colonies? Qui s'est bâti un mur paranoïaque? Qui estime qu'il faut laisser à l'âge de pierre ses voisins parce qu'il est plus facile de contrôler des gens quand ils n'ont que des pierres pour se défendre?

70 ans plus tard, le débat n'est pas clos, il y a encore cette puanteur des chambres, cette odeur de putréfaction des fosses communes, mais cela non parce que les corps n'ont pas eu le temps de refroidir, mais parce qu'il y a encore trop de gens qui entretiennent le sujet pour s'en servir. Pourquoi oublie-t-on les autres victimes? Pourquoi ne parle-t-on pas des premières victimes, à savoir les Allemands eux-mêmes? Historiquement, je ne vais pas tenir un propos disgracieux comme ceux balancés à la foule par le grassouillet borgne à gueule de bulldog, par contre je vais simplement dire "le malheur, ce n'est pas la chose à utiliser pour défendre ses actes". Il m'est insupportable de bouffer du "vous avez fait ceci". Désolé: es-tu français? Oui? Alors TU es tout aussi responsable, non? Ah non, zut, j'oubliais, tu as le droit de t'extraire du débat parce que "tu" (enfin des ancêtres) a souffert. Et les slaves gazés et réduits en esclavage? Et les pédés à qui l'on collait une étiquette pour être mieux vu des gardes chiourmes à la gâchette facile? Combien de temps cette madeleine continuera à souiller mes meubles, mes journaux, ma télévision de ses miettes grasses et puantes?

Aujourd'hui, on tente de faire dériver la question vers d'autres ennemis. Celui qui avait la kippa devient celui qui porte la djellaba. L'endimanché à chapeau noir devient l'endimanché tout en blanc qui va prier. Quelle différence? L'ennemi est identifié? Pas le moins du monde. L'ennemi, c'est celui qui croit penser, alors qu'il ne fait qu'ânonner. La religion n'est pas une référence absolue pour identifier le salaud, pas plus que la couleur de peau ne devrait être un critère pour quiconque ayant un peu d'humanisme dans son attirail mental. Cependant, bien que la science ait démontré qu'en tant que seule arbitre froide de nos débats stériles sur la commodité d'anéantir "un peuple sous prétexte de protéger le sien, qu'il n'y avait pas de race supérieure, nous en sommes encore à vouloir dire "nous leur sommes supérieurs car nous, nous ne fonctionnons pas comme eux". Raté: chaque culture, chaque religion, chaque personne a le droit et même le devoir de se faire une opinion personnelle. Malheureusement, la majorité des moutons aime à suivre le pâtre à travers les champs (de mine), ceci en bêlant à tue-tête des hymnes guerriers.

N'en avez-vous donc pas assez? N'avez-vous donc pas retenu les leçons de l'Histoire? Les commémorations vont-elle être sereines, légitimes en ne parlant "que" de tout le monde, ou bien cela va-t-il virer à l'absurde pantalonnade où l'on ne parlera que d'un type de victimes, où l'on occultera le rôle et les souffrances des autres? M'est avis qu'il y a aura un mélange des deux, saupoudré de quelques discours ambigus afin que chacun y trouve son bonheur. La politique, seul baromètre réel de nos véritables postures morales, sera alors mise à l'épreuve pour voir si l'on joue encore du "c'est ma faute, ma très grande faute" en se lamentant comme à Jérusalem… Ah merde, l'image est dangereuse, car elle ramène à une pratique religieuse connue!

Ce que j'en dirais moi, si j'étais le président dont nul ne voudrait parce qu'il dit ce qu'il pense même quand il ne faut surtout pas le faire?

Il y a 70 ans se terminait enfin l'un des plus grands carnage de notre temps. La seconde guerre mondiale s'est terminée sur un bilan terrible où des millions d'hommes, de femmes et d'enfants sont morts au nom d'idées xénophobes, au nom d'un mythe monstrueux et criminel, ou au nom d'une puissance militaire assassine. Le monde a vu la création des premières usines de mort, le massacre élevé au rang de production industrielle, et la déshumanisation de celles et ceux qui en subirent les conséquences. Aujourd'hui, 70 ans après, nous ne devons pas oublier ces victimes, nous ne devons pas permettre que de telles atrocités puissent un jour se reproduire.
La seconde guerre mondiale s'est terminée non sur une note d'espoir, mais sur un accord imparfait et dissonant où chacun a tenté d'y trouver son compte. On a écartelé des pays, créé de nouveaux empires, et d'une agression physique on est passé à une menace tacite avec la bombe atomique. La leçon ne fut pas totalement retenue, car au lieu de se massacrer mutuellement, on est allé déporter les combats dans d'autres pays, sur d'autres contrées éloignées, avec le sentiment de bien agir quand il aurait fallu s'abstenir. On en paye encore le prix aujourd'hui, avec une haine tenace envers les héritiers de cet historique que trop lourd à porter.

Le souvenir des horreurs de la guerre doit être préservé. Nous devons tous retenir que la guerre n'est jamais une solution, qu'elle n'apporte que malheur et dévastation. Ceux qui font les guerres n'en portent jamais le fardeau, et ce sont les enfants, les descendants des bourreaux qui doivent trouver le courage de regarder en arrière sans complaisance pour comprendre et ne pas reproduire les erreurs commises. Pourtant, cette action ne doit pas s'accompagner d'un reproche ou d'autoflagellation. Ne demandons pas aux enfants de porter le poids des responsabilités de leurs parents. Un homme se doit d'être jugé sur ses actes, et non sur ceux de ses aïeux. Un homme doit être estimé pour ce qu'il est réellement, pas pour ce qu'il peut représenter. La lumière doit venir du génie de l'homme, de sa capacité à aller vers le progrès, et non éclairer le visage de quelqu'un sous prétexte que ses traits sont trop proches d'un assassin mort et enterré.

J'espère que le futur saura démontrer qu'une unité peut se créer, fondée sur l'humanisme, la cohésion morale, et pas prouver que le monde ne peut être qu'une anarchie sanglante. J'espère, du plus profond de mon cœur, qu'on saura trouver la patience et la curiosité nécessaires à la vie ensemble, avec nos différences, nos désaccords, nos conflits même, mais sans haïr l'autre pour ce qu'il diffère de soi. J'espère enfin que nous tirerons au quotidien les leçons de ce passé terrible, afin d'éviter qu'un jour puisse émerger à nouveau un régime génocidaire et dépourvu d'humanité. Je rêve d'une école qui n'enseignera jamais à nos enfants que la haine est une façon saine de penser, je rêve d'un monde où l'obédience ne sera plus un critère de tri, et où chacun pourra prier sans que l'autre ne se sente en danger ou insulté. Je rêve enfin d'un monde où l'homme aura enfin pris conscience que sa multiplicité lui permet de bâtir un avenir, quand une uniformisation le condamne à répéter ses erreurs les plus terribles.

24 avril 2015

Réflexions sur la propagande indirecte

Je m'interroge beaucoup sur le net ces derniers temps, et c'est ce qui me pousse d'ailleurs à ne plus vraiment écrire sur mon blog. En effet, j'ai l'impression que de ne pas entrer dans une logique systématique de critique non constructive de l'état, ou encore de mettre en permanence en exergue les contradictions des fameux "leaders d'opinion" font de vous une cible privilégiée, conspuée, parce qu'il y a un phénomène de "mouton" indéniable. Je ne parle pas de moi, je n'ai pas l'aura requise pour que je puisse être "agressé" par des détracteurs, mais je parle au sens large où toute contradiction est lissée ou insultée, sous prétexte du "il a raison et toi tu as tort". De ce fait, je mets déjà une contradiction majeure en avant: comment peut-on parler de droit à l'expression quand soi-même l'on censure et/ou conspue celui qui n'est pas d'accord avec soi?

La toile est en soi un miroir de notre société. Contrairement à l'idée généralement reçue du "tout libre", la toile n'est en rien plus propre ou plus libre que nos sociétés réelles. La seule et unique chose qu'on se doit d'admettre, c'est que la toile est rédigée par des gens, des entités intelligentes dont les opinions et les objectifs peuvent y être plus aisément mis en valeur pour le plus grand nombre. Le droit de s'exprimer accordé à tous ou presque n'amène qu'une seule chose: la multiplication des contenus, et certainement pas son amélioration. Qu'on arrête sur le champ de se faire les chantres d'un monde idéalisé, la toile est ce qu'on en fait, et non l'inverse. Ce n'est pas parce qu'on a une quantité astronomique d'informations que celles-ci sont pertinentes, ou tout simplement vraies. D'ailleurs, les billets d'humeur comme les miens n'ont en rien une validité morale ou intellectuelle, ils sont uniquement l'expression de choix personnels et rien d'autre. Contrairement à un travail de journaliste où l'on se doit (en principe) d'offrir une analyse et une mise en perspective, les blogs et autres Shaarli n'offrent aucune garantie de qualité ou de validité. La toile est ce qu'on en fait, et actuellement c'est un gigantesque fourre-tout où chacun peut amonceler à peu près n'importe quoi.

De là, je suis particulièrement hilare en lisant mes petites brèves prises çà et là, parce qu'elles démontrent sans l'ombre d'un doute que "l'information" lâchée sous la forme d'opinion ne fait qu'amener deux choses: soit une réaction de soutien sous la forme d'une meute de "moutons" prenant par défaut que "les journaleux sont corrompus, lui/elle au moins est sincère", ou "je suis d'accord parce que de toute façon je n'irai pas fouiner pour savoir si il/elle se trompe". Une analyse scientifique est une chose, en faire le support d'une opinion politique en est une autre. La démonstration par l'absurde est le fatras idéologique qui est mêlé par les écolos convaincus dans des chiffres qui pourtant pourraient être intéressants. Quand on parle de pollution automobile, c'est pour revendiquer le vélo; quand on parle nucléaire, c'est pour pousser à la roue concernant les autres énergies. C'est beau sur le papier, c'est même superbe, mais encore et encore la teinte politique se cache derrière, puisqu'on exclue d'autres faits, soit parce qu'ils dérangent, soit parce qu'ils vont jusqu'à contredire les différentes affirmations. Poussons un peu: la voiture pollue, ça c'est une évidence. Il y a une quantité délirante d'égoïstes qui pourraient réduire leurs déplacements inutiles en remplaçant la voiture par autre chose. Mais est-ce pour autant aussi simple? Je suis fatigué par les intégristes de la petite reine qui ont trois luxes: celui de vivre à proximité de leur emploi, qui peuvent se permettre de se passer de leur voiture parce qu'ils vivent dans une agglomération, et qui plus est qui ont les moyens de vivre ainsi. Ce n'est pas du tout le schéma valide pour tous, loin de là. Paradoxalement, ces mêmes harpies omettent de songer que la seule solution pour permettre ceci serait donc de regrouper encore un peu plus les populations, donc de voir les banlieues des grandes villes se remplir encore un peu plus, car oui c'est la ville qui attire la majorité des employés, et non la rase campagne. Mais ça… bizarrement, ça ne touche pas le bourgeois qui vit fort bien et qui n'a pas pour impératif de vivre loin des villes, faute d'avoir les revenus en regard des loyers. De la même manière, pourquoi ne pas annoncer la part réelle de la pollution automobile? Parce qu'elle représente 20% de la pollution atmosphérique… mais où sont les 80% restants? Qu'on m'explique pourquoi pointer du doigt un pollueur, quand 4 sur 5 sont ailleurs?! De qui se moque-t-on?

Se faire le chantre d'une opinion politique ne doit pas passer par de la propagande déguisée. On taxe les industriels d'être des sagouins et des escrocs… Fort bien, mais agir de la sorte ne vaut guère mieux. On se fait l'écho de discours, de chiffres, de statistiques, tout en agissant comme le camp d'en face, à savoir en éludant le débat, en tronquant les valeurs, et pardessus le marché en se disant innocent d'une telle attitude sous prétexte d'être propre puisque "pas à la solde d'autre chose que d'une conscience personnelle". FAUX. Un parti politique, un régime quel qu'il soit passe par un soutien plus ou moins conséquent, par des petites mains qui agissent plus ou moins discrètement. Il n'existe pas d'innocence quand on donne dans l'idéologie. Ce que je trouve au surplus insupportable, c'est que ce foutoir moral farci à la bonne conscience contient en plus des attaques directes contre les dirigeants (ce qui est souvent légitime), tout en déclarant que le vote ne sert à rien, tout comme l'adhésion à un parti ou à un syndicat. Dites, les aveugles, un petit rappel: les pays que vous montrez comme étant plus propres, plus stables, mieux lotis socialement et/ou économiquement sont ceux où l'abstention est la plus faible, et où le taux de salariés syndiqués est le plus fort. L'implication personnelle joue sur le fonctionnement global d'un état, et se dire "tous des pourris" ne fait en rien avancer les choses, bien au contraire.

Continuons un peu le massacre, histoire de bien "rire". Les migrants qui périssent par centaines en méditerranée. Certains vont du commentaire "Rien de nouveau", d'autres s'en offusquent, les derniers parlent de social et de morale pour aider les migrants. Tous à côté de la plaque, nous sommes TOUS responsables. Oui, chacun de nous EST responsable de l'image que nous trimballons chaque jour de manière ostensible. On parle d'espoir, de faim, de soif, tout en étant soi-même un consommateur qui se fout volontairement de ce qu'il fait, parce qu'au fond unitairement on ne se sent pas réellement mis en cause dans la misère humaine mondiale. Seulement voilà, c'est un refuge intellectuel, une sécurité personnelle, parce que parmi nous PAS UN ne cèdera ses petits avantages, son confort, ses objets superfétatoires pour que d'autres n'aient plus à subir un quotidien dégueulasse. Méchant? Est-ce que je m'exclue de cette immoralité? Dans les deux cas, la réponse est non: c'est un constat, et je ne vaux pas mieux que les autres. Redescendez sur terre et arrêtez de faire la leçon aux autres, car vous ne valez pas mieux qu'eux.
Où se situe la vérité? Notre mode de vie est celle qui plairait à n'importe qui dans le tiers-monde. Ne parlez ni de racisme ni de violence, vous ignorez, tout comme moi, ce que représente la peur de mourir sous prétexte que vous n'êtes pas de la bonne ethnie. Vous ignorez ce que peut représenter le déchirement de devoir se déraciner pour survivre. On ne parle pas de "vie idéale" là, mais bien de survie pure et simple. C'est aisé de dire qu'on devrait faire des efforts, trouver des solutions… Mais faites un effort et proposez quelque-chose en échange au lieu de conspuer vos politiques. On fait quoi? On accueille tout le monde? On refoule au contraire tous les clandestins? Un peu? Un pourcentage précis? Quels sont vos quotas, vos chiffres, avec quels financements, où les met-on? On les parque dans des camps de fortune en attendant mieux? Allez, soyez plus forts, soyez force de proposition, au lieu de vous contenter de pester les fesses bien vissées sur votre chaise.

Nous sommes les propagandistes volontaires et involontaires d'un mode de vie auquel aspirerait n'importe qui. Nous avons le confort, la possibilité de mourir à cause de nos excès de nourriture quand d'autres considèrent l'eau courante comme un luxe, et l'eau potable comme un miracle. Dans quel monde vivent les candides qui font la leçon? Où sont les moralisateurs? Ce n'est que confronté à la réalité qu'on se doit de réfléchir à notre mode de vie, or personne ou presque n'est prêt à le sacrifier, même partiellement, pour que d'autres puissent espérer mieux. La morale n'est pas la seule solution, il faut aller jusqu'à l'acte, jusqu'au déterminisme ferme et résolu… Or, la vérité est là, tant qu'il s'agit de se plaindre bien au chaud, les barricades ne nous semblent pas utiles ou même envisageables. Ce n'est qu'aculée au désespoir que la foule agit, et ce de la pire des manières, à savoir en légitimant les extrêmes, en alimentant les moulins des fascismes les plus toxiques pour nos libertés individuelles.

Arrêtons de réfléchir pour les autres avec notre mode occidental de pensées. Nous ne pouvons ni comprendre ni même appréhender comment le reste du monde fonctionne, d'autant plus que nous tentons, en agissant ainsi, d'imposer le modèle philosophique et éthique qui nous correspond, et qui n'est en rien une référence. Le drame est là: en croyant qu'en exportant notre modèle nous allons améliorer le monde, nous nous comportons comme des conquérants, des colons et des évangélisateurs qui confondent bienfait et propagande. Non, le modèle européen ne saurait correspondre à des pays du Maghreb. Non, notre philosophie et notre moralité n'est pas universelle. Non, notre abord à la place de la religion dans la société n'est pas à imposer dans le monde entier. C'est en cela que nous attirons la haine, l'envie et la frustration, parce que nous faisons la leçon où bien souvent nous serions avisés d'apprendre. L'échange ne peut pas être unilatéral, et il est que trop facile de dire "vous avez tort", tout en omettant de prendre en compte l'existence des gens en face.

La liberté… quelle liberté?! Est-ce que les internautes qui pensent être raisonnables et intelligents sont-ils conscients qu'ils se trompent totalement de combat? Comment peut-on à la fois déclarer "je veux la démocratie et la liberté", tout en braillant à qui veut l'entendre que le système est pourri et que les élections ne servent à rien? Il y a là un aveu d'impuissance, ou bien un désistement caché? J'ai en horreur cette souplesse intellectuelle qui permet non seulement de ne pas avoir à assumer quoi que ce soit, et au surplus de venir critiquer celles et ceux qui se sont présentés aux urnes pour accomplir un devoir citoyen. La liberté commence quand on en fait usage. Or, le premier des droits pour lesquels les gens se sont battus, c'est justement d'avoir le droit d'exprimer une opinion par les urnes. Plus on a de confort, moins les urnes sont sollicitées. Pourquoi? Par peur du changement, par flemme, par irrespect pour les institutions? Ce droit qui semble évident ne l'est que pour nous, pas pour toutes les nations. Cela me conforte dans l'idée qu'on ne sait ce qui nous manque, que le jour où l'on l'a perdu.

Arrêtons donc de raconter ce qui nous arrange, d'être les chantres d'un mode de vie, d'opinions basées sur nos seules expériences, et regardons au-delà des évidences. Nous n'avons en rien le droit de nous prendre pour des politiques, faute de savoir ce que cela signifie de devoir mettre d'accord des millions de personnes. Vous pensez avoir les épaules pour mieux faire? Alors faites ce qu'il me semblerait logique de faire, à savoir vous présenter, aller dans des partis politiques, agir au niveau local et national, bref avoir une vie active de militant… et pas d'action virtuelle. Agir sur la toile est chose, mener des projets concrets en dehors de l'écran en est une autre. Contrairement à la majorité des commentateurs zélés dont la toile dégouline à longueur de journées, je ne me vois pas faire la leçon aux politiques, car j'ai déjà cette action en VOTANT. On sanctionne des élus, on les choisit… mais si l'on n'a pas cette démarche première, on ferme sa gueule et on assume le fait de ne pas avoir voté, et donc de ne pas avoir décidé. L'inaction est une action en soi. L'absence d'opinion exprimée est une opinion en soi. Le déterminisme politique commence par l'urne, et peut finir dans la rue. Mais ce n'est sûrement pas en laissant à des gens plus déterminés que soi l'avenir de son pays qu'on peut ensuite s'en plaindre. Ouvrez les yeux! Si un pays ne vote pas en masse, il laisse son sort entre les mains de ceux qui votent… et donc généralement d'une élite motivée, ou des plus radicaux. En effet, où se situe l'abstention? Dans ceux qui se supposent intelligents! Les véritables intellectuels votent parce qu'ils savent ce que cela représente, et les radicaux votent parce qu'ils savent que chaque voix compte. Dans ces conditions, cela sous-entend que les deux extrêmes de la société pèsent plus que la majorité bêlante incapable de saisir l'importance de chaque bulletin dans l'urne.

On critique allègrement le FN parce qu'il tient lieu d'épouvantail. Encore une fois, en le mettant en exergue vous en faites la propagande! On ne s'attaque pas au populisme par du populisme, on s'attaque à la thématique radicale en présentant des faits, en démontrant par A+B que le discours ne tient pas. Encore une fois, ce n'est pas en disant à un fasciste qu'il est con que cela remet en doute ses opinions. C'est en lui prouvant posément que ses idées sont dangereuses qu'on peut envisager de le faire changer. Prenons l'électorat du FN: il n'est plus cette masse de déçus de la démocratie, de revanchards mettant tout sur l'ennemi extérieur (L'UE ou les immigrés), il est aujourd'hui celui qui veut redonner du lustre à ce beau pays, il est dorénavant celui qui veut défendre des belles valeurs face à l'effondrement des partis classiques. Le vote FN est un vote devenu séduisant, parce qu'il a réussi à devenir un vote nationaliste et non plus quasi-fasciste. Et que font les médias? Que font les "moralisateurs" de la toile? Plutôt que de poser les vraies questions que peuvent lever les partis des extrêmes, ils cherchent à diaboliser le FN. Erreur! Absurdité! C'est en agitant un épouvantail qu'on lui donne du poids. Quel fut le discours de Sarkozy pour être élu président? La sécurité! Quel fut celui de Hollande? La transition hors de la sécurité. Quel sera celui du prochain vainqueur? La transition hors de la politique Hollande, mâtinée de sécurité après l'attentat contre Charlie. Hé oui: l'histoire donne raison à ceux qui voulaient plus de sécurité, même si ce discours se révèle dangereux pour chacun de nous!

On ne peut plus revendiquer une politique libertaire, car celle-ci n'a plus de sens. La liberté, c'est avant tout de saisir que celle-ci n'existe qu'à un prix, celui d'être forcément jugé voire détesté par ceux qui n'ont pas le même mode de pensée. Notre avenir se joue déjà quant à la place que nous voulons donner à la France dans le monde. Quand j'entends les gens se plaindre de l'intervention de la France à l'étranger, en omettant que ce sont les pays en question qui ont demandé une aide, je revendique haut et fort que ces critiques sont donc des égoïstes qui n'ont rien à dire sur la politique intérieure de la nation. J'ajoute au surplus qu'espérer une paix intérieure alors qu'on est tous des intolérants… Comment? Par quel truchement intellectuel arrivent-ils à concilier l'inconciliable?! Comment un type qui parle de liberté de culte, de liberté de la presse peut dans le même temps parler de Charlie avec amour (sans y être abonné ou même en être lecteur), et déclarer qu'il ne veut pas plus de mosquées en France? Comment peut-il, ce moralisateur, vilipender dans la foulée Dieudonné qui, mine de rien, balance de manière satirique et parfois outrancière plein de choses que la foule pense tout bas? Mais j'oubliais: tant que Charlie ne fera pas une "une" outrée sur les juifs, le journal ne sera pas attaquable. Mais quid du jour où le journal critiquera Israël? Va-t-on leur faire le même procès d'intentions qu'à Dieudonné, ou bien le journal a acquis un statut de martyre intouchable?

Ce monde est hallucinant. Il est incroyable parce que chacun se pense suffisamment important pour peser et véhiculer des idées. Ce n'est pas le cas. Nous avons chacun des opinions, des différences, je revendique les miennes au même titre qu'un autre. Par contre, se croire investi d'un rôle messianique ne peut mener qu'au désastre car nul n'a cette science suffisamment infuse pour être un guide, sauf à risquer d'être crucifié. Etrange retour de manivelle, des gens critiquant les radicalisés obtus qui tiennent des discours tout aussi radicaux et obtus… Comme quoi, l'homme est encore ce qu'il sera toujours… un imbécile qui se croit supérieurement intelligent. "On se trouve toujours suffisamment intelligent, puisque c'est à l'aune de cette intelligence que l'on se juge". Je devrais en faire des t-shirts dites donc…